Extraits top secret du carnet de notes de Forest Whitaker ayant servi à la préparation d’Où sont les hommes ? Page 2 - Comment camoufler la nature profondément sitcomesque de ce soap-opera chic ? Compliquer le montage alterné, entrecroiser les destins de mes quatre personnages, multiplier les personnages secondaires, allonger la sauce, donner l’impression d’une […]
Extraits top secret du carnet de notes de Forest Whitaker ayant servi à la préparation d’Où sont les hommes ?
Page 2 - Comment camoufler la nature profondément sitcomesque de ce soap-opera chic ? Compliquer le montage alterné, entrecroiser les destins de mes quatre personnages, multiplier les personnages secondaires, allonger la sauce, donner l’impression d’une structure à la Altman. Ça amadouera toujours les critiques new-yorkais.
Page 5 - Penser aux bouquins compliqués des théoriciens européens. Penser à la durée. Jouer avec les notions de durée réelle, durée diégétique, durée subjective… Faire un film de deux heures (ça rentre dans le format des cinq séances) mais donner au spectateur la sensation qu’il en dure quatre. La longueur, ça peut impressionner, donner une sensation d’amplitude, de profondeur.
Feuille volante intercalée entre page 8 et page 9 - Confier l’un des premiers rôles et la bande originale aux bons soins de Whitney Houston. Ça devrait permettre de bétonner sur les entrées, les masses bovines feront la queue au guichet. Veiller quand même à glisser quelques brûlots d’Aretha, à tempérer l’abject sirop FM par un peu de bad-ass soul. Ne pas désespérer Billancourt comme disait le french president Mitterrand.
Coin de page non numérotée - Choisir Phoenix, Arizona : une ville bourrée (sic) de jolis cactus bien raides et dressés vers le ciel. Subtile présence phallique qui devrait réjouir la critique européenne.
Page 12 - Bien me démarquer des films de ghetto, insister sur la différence entre mon projet et la vague Spike Lee, Singleton, Hughes Bros… Allumer tous les clignotants marquant une prise de distance par rapport aux stéréotypes. Bien montrer que la bourgeoisie noire existe, souligner que les Noirs peuvent être cultivés, durs en affaires, bourrés de pognon et qu’ils ont les mêmes problèmes à la con que la bourgeoisie blanche. Multiplier les décors chicos, les hôtels de luxe, les belles sapes, les bijoux, les apparts de dix pièces, les travellings sur BMW, les couchers de soleil rosâtres sur jacuzzi, tant pis si ça fait tape-à-l’œil nouveau riche… Les yuppies de toutes les couleurs vont adorer.
Page 13 - Magnifier les femmes, charger les hommes. Filmer les formes, les courbes, les visages parfaits des premières, rendre un hommage appuyé à leur beauté, à leurs qualités multiples, compatir à leur désarroi, en rajouter… Epingler la veulerie des seconds, comptabiliser leurs multiples défauts, leur cruauté, leur égoïsme, leur inconsistance, leurs petites bites, leurs éjaculations précoces, leurs lâchetés, en rajouter… Tous des enfoirés, sauf moi.
Page 18 - En emballant un tel film, je devrais logiquement réussir à emballer régulièrement les babes. Parce que, merde, si un truc aussi superlativement pro-féministissime, aussi binairement anti-machiste, aussi intensément masochiste de ma part ne contrebalance pas mon physique ingrat de psychopathe à strabisme convergent et corpulence charcutière, c’est à désespérer définitivement du genre féminin.
En tout petit dans un coin de la page de garde - De toute façon, toutes des salopes.
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