En 1945, Hitchcock découvre Freud et tourne Spellbound, et plus tard Psycho.En 1996, Francis Girod découvre Gérard Miller et tourne Passage à l’acte (attention : titre signifiant). Pour ceux qui n’auraient ni la télé ni la radio, précisons que Gérard Miller est depuis une dizaine d’années le Monsieur Psychanalyse du PAF. Il est donc venu […]
En 1945, Hitchcock découvre Freud et tourne Spellbound, et plus tard Psycho.
En 1996, Francis Girod découvre Gérard Miller et tourne Passage à l’acte (attention : titre signifiant). Pour ceux qui n’auraient ni la télé ni la radio, précisons que Gérard Miller est depuis une dizaine d’années le Monsieur Psychanalyse du PAF. Il est donc venu mettre son grain de sel lacanien dans un scénario concocté par le tandem Girod-Grisolia d’après un polar de Jean-Pierre Gattegno. L’histoire ? Brillant psychanalyste (décidément, c’est contagieux), Antoine Rivière (Auteuil) accepte de traiter un certain Edouard Berg (Timsit) qui lui avoue étonnamment vite avoir tué sa femme. Mythomane ou meurtrier ? Il faudra attendre une heure quarante-cinq pour avoir la réponse. Hitchcock, puisqu’on l’a cité et que Francis Girod raffole des comparaisons prestigieuses, appelait ce genre d’énigme laborieuse un whodunit (« qui l’a fait ? »). Pour les quelques braves qui seront encore devant l’écran à la fin du film, la réponse à cette question constituera peut-être une surprise. Mais d’ici là, Girod n’aura créé aucun suspense. Comme Rivière, le spectateur reçoit les informations au compte-gouttes. Et le film piétine. Dans le Hitchbook, l’auteur de Notorious explique lumineusement à Truffaut la faiblesse de la surprise par rapport au suspense. Deux hommes sont en train de discuter. Boum : une bombe explose. L’effet de surprise dure dix secondes. Mais si le public sait qu’il y a une bombe, qu’il est 12 h 45, que la bombe saute à 13 h et qu’il y a une horloge dans le champ, cette conversation anodine devient passionnante. Et l’effet de suspense dure un quart d’heure. Conclusion : le metteur en scène doit informer le public chaque fois qu’il le peut. Ici, Girod en rajoute sur l’opacité de Berg et évacue ainsi toute émotion de son film. Pourquoi se réfugier dans une construction scénaristique aussi strictement cérébrale (mais qui ne fonctionne pas puisque Rivière a pour meilleur ami un flic et qu’il pourrait donc lui parler de Berg dès le début du film) et sursaturée de « mots d’auteur » revanchards ? On a le droit de ne pas être d’accord avec Hitchcock, mais renoncer à ce point à toute mise en scène est impardonnable.
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