L’arrestation de Ratko Mladic pourrait permettre à la Serbie d’intégrer l’UE… et son procès révéler les tractations occidentales douteuses durant le conflit.
Ratko Mladic, le “boucher des Balkans”, sous les verrous, la Serbie peut enfin négocier avec des chances de succès son entrée dans l’Union européenne. L’arrestation du chef militaire des Serbes de Bosnie jeudi dernier, à 80 km de Belgrade, et son transfert prochain à La Haye pour qu’il réponde devant le Tribunal pénal international de génocide et de crimes contre l’humanité, lèveraient en effet l’obstacle principal à l’entrée dans l’UE du pays de l’ex-Yougoslavie.
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Retrouvé seize ans après sa première inculpation, Ratko Mladic, décrit lors de son interpellation comme malade et incapable d’aligner deux phrases cohérentes, a finalement été reconnu apte à répondre de ses crimes.
Lesquels ? Avoir planifié froidement en 1995 le massacre des musulmans de Srebrenica (8 300 morts, principalement des hommes, mais aussi des femmes et des enfants) et aussi d’avoir dirigé les troupes serbes de Bosnie durant les trois ans et demi du siège de Sarajevo, qui coûta la vie, sous les obus, les roquettes et les tirs des snipers, à plus de 10 000 de ses habitants.
Mladic va rejoindre sur le banc des accusés du TPI Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie, psychiatre et poète à ses heures, arrêté à Belgrade en 2008. Dimanche, Mladic faisait savoir qu’il n’avait “rien à voir avec ces massacres”.
Succès diplomatique pour le président serbe Boris Tadic, l’arrestation de Mladic a, ce qui ne doit rien au hasard, coïncidé avec la visite le même jour à Belgrade de la haute représentante de l’UE, Catherine Ashton, et le début du G8 à Deauville.
Mais son arrestation ne fait pas l’unanimité en Serbie. Un sondage montrait que 40 % de la population considérait encore il y a quelques mois Mladic comme un héros. A Belgrade, des manifestations de nostalgiques de la “Grande Serbie” et la colère palpable à Lazarevo, le bourg de 3 000 habitants où a été découvert Mladic, montrent que les blessures du conflit ethnique qui a embrasé l’ex-Yougoslavie sont encore loin d’être refermées.
Pour beaucoup, le TPI pour l’ex-Yougoslavie est avant tout une institution “anti-serbe” qui ne prend pas en compte les massacres commis à leur encontre. Le procès risque d’ouvrir d’autres plaies : notamment celles dues aux carences et au cynisme invraisemblables de la diplomatie européenne et de l’ONU au moment des faits et durant tout le siège de Sarajevo.
Lorsque, le 11 juillet 1995, l’enclave de Srebrenica, en principe zone de sécurité protégée par l’ONU, tombe aux mains des troupes serbes de Bosnie, les hiérarques des forces onusiennes se refusent à évacuer les populations en danger. Pire : le bataillon hollandais de l’ONU va même jusqu’à aider les troupes de Mladic à trier femmes (dont bon nombre seront violées), enfants et, enfin, adolescents et hommes qui, eux, seront chargés en camions et en bus, pour être menés à l’abattoir.
Cette compromission piteuse fait sans doute partie du “deal” des accords de Dayton, qui ont mis fin à la guerre en décembre de la même année. Signé par Milosevic (mort en 2006 lors de son procès devant le TPI), cet accord, toujours en vigueur, est fondé sur une contradiction fondamentale : il consacre l’intégrité territoriale de la Bosnie tout en la scindant en deux entités ethniques, la Fédération croato-musulmane (51 % du territoire) et la République serbe de Bosnie (49 %). Une solution qui entérine de fait les résultats du nettoyage ethnique…
Reste à souhaiter que le procès Mladic aidera à tirer au clair des tractations qui ne sont à la gloire ni de l’ONU ni des pays occidentaux (France comprise) et accélérera le processus de réconciliation d’une entité géographique encore sous le choc d’un passé qui ne passe pas.
Alain Dreyfus
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