Ce film haut en couleur, riche en costumes et en décors, passé inaperçu au dernier Festival de Cannes et dédaigné par certains, n’est pourtant pas une nullité. Loin s’en faut. Il retrace la vie à Edo (Tokyo) au xviiie siècle, autour d’un célèbre éditeur d’estampes, Tsutaya : on découvre les artistes qui travaillent pour lui, […]
Ce film haut en couleur, riche en costumes et en décors, passé inaperçu au dernier Festival de Cannes et dédaigné par certains, n’est pourtant pas une nullité. Loin s’en faut. Il retrace la vie à Edo (Tokyo) au xviiie siècle, autour d’un célèbre éditeur d’estampes, Tsutaya : on découvre les artistes qui travaillent pour lui, l’existence cloîtrée des courtisanes raffinées, les coulisses du théâtre kabuki… Le hic, c’est un peu Sharaku lui-même, peintre d’estampes mythique, présenté comme un innovateur incompris en son temps une sorte d’expressionniste avant la lettre. Si ses œuvres sont aujourd’hui très recherchées, on n’est pas certain de l’identité de celui qui les a exécutées. Le film raconte l’invention du concept « Sharaku » (l’insolent) par Tsutaya (Frankie Sakai). Ce dernier, médusé par le talent inné d’un saltimbanque, Tombo (Hiroyuki Sanada), lui fait exécuter des portraits de comédiens, signés Sharaku. Il s’agit donc bien d’un personnage réel, mais il reste toujours un peu en retrait dans la fiction, pratiquement à égalité avec les autres personnages. D’ailleurs, il s’extrait symboliquement de la foule bigarrée et anonyme au début du film pour y retourner à la fin. Du coup, cet effacement du héros virtuel du film atténue sa force dramatique. De plus, Tsutaya lui-même, pivot théorique de la fiction, apparaît rarement au premier plan. D’autre part, Sharaku souffre de la comparaison avec Cinq femmes autour d’Utamaro (1946) de Mizoguchi, au thème assez proche. Très présents dans le film de Shinoda, Utamaro et Hokusai, contemporains de Sharaku, sont les plus célèbres peintres d’estampes japonaises. Or, si Utamaro tel que le dépeint Shinoda semble bien falot, Mizoguchi en faisait un être sensuellement trouble, qui allait jusqu’à peindre un portrait à même la peau d’une prostituée et suscitait indirectement un crime passionnel.
On trouve peu de ces excès dans Sharaku. Si le film reste louable sur le plan de la théorie esthétique, puisque Tsutaya, par l’entremise de « Sharaku », peintre précurseur, fustige la notion d’académisme, on peut regretter que le cinéaste n’applique pas ce principe à sa mise en scène.
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