Une fable humaniste qui carbure au chantage affectif le plus gluant et pratique ce qu’elle prétend dénoncer.
Les cinq premières minutes intriguent. Une voix off, celle de Pascal Duquenne qui jouait déjà le frère de Toto le héros, des plans étranges et parcellaires, un ton faussement naïf et assez singulier. Au début, le spectateur est curieux, impatient de savoir ce qu’on va lui raconter, avide de découvrir le résultat de la collaboration entre Auteuil et l’auteur de Toto le héros, film un peu surestimé à sa sortie mais qui laisse un bon souvenir. Hélas, cet intérêt cesse très vite pour laisser place à un ennui profond puis, à mesure que le film avance, à ce qu’il faut bien appeler du dégoût devant tant de roublardise revendiquée et de constant chantage à l’affectif.
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La rencontre entre un cadre supérieur (Daniel Auteuil) plaqué par sa femme car incapable de s’occuper de ses enfants et trop occupé à vendre ses produits et un mongolien fugueur n’est pas d’une originalité folle. Ce ne serait pas grave si son traitement ne donnait pas autant envie de vomir. Comme sa trame narrative, la thèse soutenue par Van Dormael est d’un simplisme effarant. Pour retrouver le goût de la vie et des vraies valeurs, de la famille en premier lieu, rien ne vaut la fréquentation assidue d’un brave mongolien. Au contact de Georges et de sa joie de vivre, Harry va ouvrir les yeux sur le désastre de sa vie privée et sur son imposture professionnelle. Au cinéma, les thèses les plus bêtement édifiantes peuvent être sauvées par l’intelligence et la sensibilité du réalisateur. Ce n’est pas le cas ici. En effet, pour que cette soupe humaniste au goût fort de réchauffé (le film lorgne ouvertement vers les succès de Rain man et de Forrest Gump) séduise un tant soit peu, encore aurait-il fallu qu’elle ne nous soit pas assenée avec la subtilité d’un missile Exocet.
Le film obéit à une loi qui a le mérite de la clarté : pour nous faire chialer et nous convaincre de nous ouvrir à la différence de nos frères handicapés mentaux, tous les coups sont permis, surtout ceux en dessous de la ceinture. Plus c’est lourdingue et souligné au marqueur, plus Van Dormael est persuadé d’avoir atteint son but. Il ne semble pas se rendre compte que ses procédés sont tellement odieux et en tous points comparables aux conseils de vente que prône Auteuil/Harry, qu’ils le renvoient du côté de ceux qu’il dénonce. Le sujet méritait un cinéaste, pas un démagogue. Du jeu stéréotypé des acteurs (Auteuil n’en a pas marre d’interpréter encore le même personnage, celui de Quelques jours avec moi et de Romuald et Juliette ?) aux situations dramatiques éculées (que c’est triste un mongolien qui se fait refuser une danse par une greluche aveugle devant son désarroi ! que c’est navrant un père qui oublie l’anniversaire de sa fille !), tout doit être le plus caricatural et démonstratif possible. Conscient de l’importance des effets de signature dans la poursuite de sa carrière, l’auteur de Toto recycle les trucs visuels qui ont fait sa gloire. Seule différence, Luis Mariano remplace Charles Trénet. Après seulement deux longs métrages, Jaco Van Dormael est déjà un vieux cinéaste.
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