Un recueil d’entretiens avec Straub et Huillet permet de mieux approcher la spécificité de leur art et la teneur de leur discours Puisqu’il n’y a pas pléthore d’ouvrages sur Straub et Huillet, on pourra tenir ce petit livre comme parfaitement indispensable, d’autant plus qu’il est très bien. Il ne s’agit pas d’une monographie mais de […]
Un recueil d’entretiens avec Straub et Huillet permet de mieux approcher la spécificité de leur art et la teneur de leur discours
Puisqu’il n’y a pas pléthore d’ouvrages sur Straub et Huillet, on pourra tenir ce petit livre comme parfaitement indispensable, d’autant plus qu’il est très bien. Il ne s’agit pas d’une monographie mais de deux entretiens, le premier résultant d’une rencontre entre les cinéastes et le public aux beaux-arts du Mans et le second d’une interview faite par des collaborateurs de Limelight que la revue strasbourgeoise avait déjà publiée il y a deux ans , auxquels a été adjoint, en postface, un texte remarquable de Bruno Tackels. Il y a une relative complémentarité entre les deux entretiens qui permet, à l’échelle du livre, de donner une vision assez riche de ce cinéma, de ne pas dissocier ce qui relève de l’art, d’un art de la présence, et ce qui relève du discours. Ainsi, au Mans, on parle surtout du travail, du choix des costumes et des lieux, de l’importance de la diction, bref, de tout ce qui concourt à créer ce sentiment de présence. C’est très important, mais il ne faut pas que cela pose un voile sur ce qui est dit dans ces films. Et ce qui est dit, par exemple, c’est que « s’il s’agit de vers, il n’y a aucune raison de faire croire que c’est la prose de monsieur Hersant dans le Figaro ou dans France-Soir« . Si les films des Straub sont très beaux et le plaisir que l’on prend à les voir très grand, il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’un plaisir d’esthète, d’une quelconque ivresse provoquée par le hiératisme d’une mise en scène. Si les Straub font des films si différents de ceux des autres, ce n’est pas tellement parce qu’ils tiennent absolument à être originaux, c’est qu’ils sont les seuls à être justes. Et de cela, de justice donc de politique, on parle beaucoup plus dans le second entretien. Dans la postface est cité un texte troublant d’incompréhension de Pasolini sur les Straub. Il dit qu’Othon est un film fou, que les auteurs s’y mettent dans une position de martyrs et qu’ils se coupent du public. Pourtant, Othon était dédié à tous ceux qui « nés dans la langue française n’avaient pas eu la chance de lire les vers de Corneille ».
La dimension pédagogique est profonde chez les Straub et ils veulent croire que dans une société réellement démocratique, où les films naîtraient « libres et égaux en droit », beaucoup de gens pourraient voir et aimer leur travail. Car, disent-ils, « nous ne sommes pas des oiseaux rares et il y a beaucoup de gens qui nous ressemblent dans le monde ». Si ça ne se passe pas ainsi, c’est que le système l’empêche. Ce n’est pas de la paranoïa ni le ressentiment qui parle, c’est la conviction que les choses peuvent changer, qu’il n’y a pas de fatalité, malgré ce qu’on nous dit.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (coédition Limelight/Ecole des Beaux-Arts du Mans).
{"type":"Banniere-Basse"}