Il fallait oser adapter Mondo, fameuse nouvelle de Jean-Marie Le Clézio. Les déambulations et les rencontres magiques, dans les rues de Nice, d’un enfant venu d’ailleurs, à l’accent indéfinissable. Et aussi une fable dénonçant sans ambages le racisme, l’intolérance et la soif d’ordre. Certes, l’exactitude minutieuse des descriptions et les métaphores du visionnaire auteur du […]
Il fallait oser adapter Mondo, fameuse nouvelle de Jean-Marie Le Clézio. Les déambulations et les rencontres magiques, dans les rues de Nice, d’un enfant venu d’ailleurs, à l’accent indéfinissable. Et aussi une fable dénonçant sans ambages le racisme, l’intolérance et la soif d’ordre. Certes, l’exactitude minutieuse des descriptions et les métaphores du visionnaire auteur du Procès-verbal appelaient l’adaptation. Mais selon Le Clézio lui-même, le moyen privilégié pour rendre compte du monde est « l’écriture, l’écriture seule, qui tâtonne avec ses mots, qui cherche et décrit avec minutie, avec profondeur, qui s’agrippe, qui travaille la réalité sans complaisance ». Du reste, il avait jusqu’ici refusé que la moindre de ses œuvres soit portée à l’écran. Pour Tony Gatlif, il a accepté. Et Tony Gatlif, donc, a osé. Et pour oser, il ose. Il ose tourner en caméra subjective, à hauteur de gamin de 10 ans. Il ose filmer la nature dans des couleurs sublimes, dans des cadrages inédits, frôlant le gongorisme à chaque plan. Il ose prêter le flanc aux blâmes des ciné-moralistes qui ne manqueront pas de l’apostropher sur l’air de « Comment peut-on délibérément rendre la misère aussi jolie ? » Il ose le parti pris radical d’une poésie acidulée, léchée, à la limite du chromo. Mieux, il multiplie les obstacles comme autant de défis : distribution hétérogène dans laquelle certains acteurs sont carrément hésitants, dialogues littéraires, rares mais ultra-périlleux, images résolument lyriques faisant fi du ridicule. Ce n’est plus de l’audace, c’est une forme d’inconscience. Peut-être celle de l’artiste. C’est en tout cas un film atypique. On ne prétendra pas que la hardiesse de Tony Gatlif passe toujours la rampe. Mais dans son cinéma décomplexé, à travers le fatras formel, parviennent à percer quelques instants de grâce. Ainsi, sur la plage, l’arrivée d’oranges sur lesquelles des femmes algériennes oppressées ont gravé des appels au secours. Ainsi, le cauchemar de Mondo où il assimile le Ciapacan (la fourrière niçoise) à la police de l’immigration. Ou encore la douleur de la vieille Thi-Chin lorsque Mondo disparaît, le « Vous n’avez rien compris… » perclus de lassitude qu’elle adresse au commissaire de police, son regard se perdant dans le potager désert… Voilà quelques trouées d’émotion pure qui donnent son prix à l’entreprise de Tony Gatlif.
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