La fuite d’une famille américaine vers le Mexique enchaîne les morceaux de bravoure mais peine à se doter d’une identité propre et d’un horizon singulier.
Il y a quelque chose d’étrange à aimer un acteur tout en sachant qu’il a probablement déjà trouvé son plus grand rôle. Si la présence de Justin Theroux nous a attiré·es dans les méandres de The Mosquito Coast, notre visionnage est chargé par le souvenir de The Leftovers, le chef-d’œuvre de Damon Lindelof dont les fils en tissent un maillage exogène.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Barbes fournies et regards torves, Kevin Garvey et Allie Fox, les personnages qu’il interprète dans ces deux séries, s’appréhendent comme de faux jumeaux, chargés d’une même pesanteur tragique et mus par une quête de sens aux contours brumeux.
Une figure de père ambiguë
Cette doublure fantomatique semble donner le ton d’une série hantée à plusieurs niveaux. Adaptée d’un roman de Paul Theroux (l’oncle de Justin) déjà porté au cinéma par Peter Weir en 1986, The Mosquito Coast suit le périple d’un inventeur de génie qui fuit les Etats-Unis avec sa famille pour se créer une nouvelle vie en pleine jungle du Honduras. Si les œuvres précédentes confrontaient l’hubris du personnage à une nature hostile, les sept épisodes de cette première saison se concentrent sur le voyage mouvementé des siens vers le Mexique.
Chevillé à une nouvelle péripétie à surmonter, chaque épisode est aussi l’occasion de revisiter un sous-genre fictionnel
Structurée selon une ligne de fuite qui voit se succéder les creux (des obstacles de plus en plus menaçants) et les bosses (les trouvailles du père pour sortir sa famille du pétrin), la série traverse des territoires agités par des spectres : ceux des migrant·es mexicain·es mort·es en tentant de traverser la frontière et le no man’s land qui l’enserre, ceux d’un passé trouble et insistant qui gagne en consistance au fil des épisodes, celui enfin d’une réinvention promise dont l’horizon s’effiloche à chaque nouveau coup du sort. Chevillé à une nouvelle péripétie à surmonter, chaque épisode est aussi l’occasion de revisiter un sous-genre fictionnel, du survival dans le désert au drame familial et de l’évasion au thriller sur fond de cartels.
Si cette généalogie et ces influences touffues n’entament pas l’efficacité dramatique de la série, et que l’ambiguïté de cette figure de père – gourou dont l’idéalisme se révèle chargé d’égoïsme et d’orgueil – est dépliée avec acuité, il manque à The Mosquito Coast une charge critique (centrale dans l’œuvre originale, la question de l’idéal et la critique de la société de consommation sont ici évacuées en quelques répliques), une forme de transcendance et, peut-être, un brin de légèreté pour lui donner une identité propre et l’incarner dans un corps bien à elle.
The Mosquito Coast de Neil Cross, avec Justin Theroux, Melissa George. Sur Apple TV +
{"type":"Banniere-Basse"}