Remarqué grâce à l’excellent Un Faux mouvement, Carl Franklin déçoit avec cette resucée de film noir et lisse, propre et trop conforme aux règle du genre. Adapté d’un roman de Walter Mosley, romancier noir à la mode du moment, Le Diable en robe bleue est une nouvelle tentative de relecture et de réactualisation d’un genre […]
Remarqué grâce à l’excellent Un Faux mouvement, Carl Franklin déçoit avec cette resucée de film noir et lisse, propre et trop conforme aux règle du genre.
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Adapté d’un roman de Walter Mosley, romancier noir à la mode du moment, Le Diable en robe bleue est une nouvelle tentative de relecture et de réactualisation d’un genre codé par excellence, le film noir. Ici, la grande nouveauté par rapport aux classiques de Hawks, Huston ou Aldrich consiste à mettre en scène des personnages noirs, c’est-à-dire à introduire la dimension raciale qui manquait à l’univers de Chandler dans sa peinture du Los Angeles de l’après-guerre. Mosley et Cari Franklin inventent donc, si l’on peut dire, le film noir noir. Pour intéressante quelle soit, cette innovation est malheureusement le seul élément vraiment novateur du Diable en robe bleue. On retrouve donc dans le film de Cari Franklin tous les poncifs du genre: les femmes sont fatales, les politiciens sont corrompus, les institutions, les gangsters et les milieux d’affaires fonctionnent main dans la main, la ville brise les faibles et les pieds tendres, et Easy Rawlins, le privé qui succède ici aux Spade ou Marlowe d’antan, apprend vite à surfer entre les différentes vagues interlopes qui lui tombent dessus, dans son intérêt personnel bien compris. Ce que Le Diable en robe bleue nous apprend – mais on s’en doutait quand même fortement -, c’est que les Noirs avaient du mal à s’en sortir honnêtement dans le Los Angeles des années 40.
Repéré avec le remarquable Un Faux mouvement, Cari Franklin semble être une nouvelle victime du syndrome « Fais un gros film de studio et perds toute ta personnalité ». Le Diable en robe bleue n’est pas vraiment un film de cinéaste, mais plutôt l’œuvre de « production designers », ces équipes qui gâchent tellement de films en les transformant en bibelots design. Le Diable en robe bleue est avant tout une reconstitution nickel du Watts de l’après-guerre : immeubles en pierres de taille, stores vénitiens, bagnoles d’époque, costards et pompes clinquantes, jolis effets de fumée de cigarettes… Le décorateur, le costumier et le chef-opérateur ont fait du bon boulot. Le problème étant que tout cela ne suffit pas à faire un film excitant, d’autant que Franklin assure correctement mais sans risques, comme s’il désirait avant tout donner des gages de professionnalisme béton à ses employeurs.
Du coup, s’il se laisse regarder sans déplaisir, Le Diable en robe bleue ne dépasse pas le stade d’une resucée propre et lisse, une déception là où l’on attendait un véritable renouvellement du genre de la part de l’auteur d’ Un Faux mouvement. Pour mesurer le gâchis, il suffit de penser au Privé où Altman avait transposé l’univers de Chandler dans le Los Angeles hippie des années 70, exemple parfait d’adaptation du film noir à des préoccupations contemporaines. Le Diable en robe bleue, c’est une jolie bulle en provenance des années 40 qui ne parle absolument pas d’aujourd’hui, une œuvre qui est au film noir ce qu’un album de Lenny Kravitz est à Jimi Hendrix.
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