Dawn Wiener, petite banlieusarde godiche mais de bonne volonté, cumule les infortunes. Lunettes ringardes, coiffure ingrate, elle est affublée d’un patronyme en forme de perche tendue à la cruauté de ses congénères « wiener » signifie « saucisse ». Il n’en faut pas plus pour que son collège du New Jersey devienne à peu près aussi hospitalier que […]
Dawn Wiener, petite banlieusarde godiche mais de bonne volonté, cumule les infortunes. Lunettes ringardes, coiffure ingrate, elle est affublée d’un patronyme en forme de perche tendue à la cruauté de ses congénères « wiener » signifie « saucisse ». Il n’en faut pas plus pour que son collège du New Jersey devienne à peu près aussi hospitalier que l’île de Lord of the flies, et qu’elle y joue le rôle de Piggy, l’intello rondouillard en butte à toutes les brimades sadiques pouvant germer dans les caboches d’écoliers travaillés par la puberté. La traversée d’un réfectoire est d’emblée filmée comme une incursion dans un antre de vampires. Au terme d’une enfilade de galères, humiliations et avanies, le scénario esquisse pour le vaillant petit canard (l’excellente Heather Matarazzo), spontanément estampillé gouine par ses condisciples, un destin voisin de celui de l’infirmière tueuse psychotique de Misery elle se lance dans la carrière en démembrant, faute de mieux, les poupées de son insupportable pimbêche de sœur.
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Impatient de régler leur compte à l’école, à la famille et au mythe de l’innocence enfantine, Todd Solondz (lauréat du Sundance Film Festival) brasse les genres avec un bel aplomb, truffe sa chronique d’une adolescence flinguée d’emprunts habiles au cinéma rock (les chansons, alertes, font fonction de bref bol d’air), au film d’horreur comme à la comédie graveleuse une scène de dépucelage avorté se vautre gaillardement à la lisière de l’effroi et de l’hilarité coupable. Affairé à aligner les trognes grotesques (mention spéciale pour le frère aîné matheux s’astreignant à apprendre à jouer Satisfaction à la clarinette en vue d’étoffer son CV), Solondz enfile les scènes pesamment démonstratives afin d’enfoncer son vieux clou (l’ostracisme engendre la névrose) comme si sa vigueur pamphlétaire suffisait à le dispenser d’aimer un minimum ses personnages. Seul un gamin grandi trop vite (et trop vite perdu de vue), jumeau du Bone de Russell Banks, échappe à ce jeu de massacre mais il faut sans doute avoir subi une de ces éducations américaines où l’obsession d’être « populaire » et « sociable » l’emporte sur toute autre considération pour pleinement savourer le mauvais esprit libérateur qui anime ce film constamment grinçant, souvent crispant.
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