Telle une alchimiste, Danièle Dubroux mélange les genres : sa décoction dégage un tenace parfum d’ivresse ludique. Comme son personnage du psy qui a perdu la mémoire, Le Journal du séducteur est un film qui revient sur ses traces. A la fois sur les lieux (quelques rues du Quartier latin) d’une intrigue qui s’est déjà […]
Telle une alchimiste, Danièle Dubroux mélange les genres : sa décoction dégage un tenace parfum d’ivresse ludique.
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Comme son personnage du psy qui a perdu la mémoire, Le Journal du séducteur est un film qui revient sur ses traces. A la fois sur les lieux (quelques rues du Quartier latin) d’une intrigue qui s’est déjà déroulée et sur tous les genres qui ont inspiré la cinéaste. Pour cette démarche d’arpenteur inspiré, Dubroux n’a qu’une confiance modérée dans la psychanalyse ou la psychologie. En revanche, elle croit dur comme fer au pouvoir obscur de l’alchimie. Aussi complexe que savoureuse, cette démarche consiste à opérer des mélanges nouveaux dont la saveur unique respectera le goût de tous les éléments de base. Sur le comptoir qui lui tient lieu de paillasse, le professeur Dubroux a aligné les différentes fioles à partir desquelles elle va créer son élixir de bonheur. L’expérience peut commencer.
Devant elle se trouve un liquide brunâtre et peu engageant. « Naturalisme », prévient l’étiquette. A chaque fois qu’on en ingurgite, l’indigestion est assurée. Comme notre fée tient à garder la tête dans les étoiles, elle n’en verse qu’une goutte dans l’éprouvette. Cette dose minimale s’appelle Claire, jeune étudiante en psycho, inodore et sans saveur, vivant chez sa maman. Afin de combattre ce poison redoutable, notre magicienne y ajoute une large rasade d’une liqueur devenue rarissime. D’une belle couleur ambrée, elle se nomme « romanesque ». Dans le lointain Danemark, pays des trolls et d’Andersen, on l’appelle aquavit. Le soir au coin du feu, cette eau-de-vie épicée accompagne la lecture du philosophe local, un certain Søren Kierkegaard. Pas un gai le Søren, mais il a écrit un livre qui porte le plus beau titre du monde : Le Journal du séducteur. Dans la décoction Dubroux, cet ouvrage parfois aride est le talisman pour pénétrer dans un univers merveilleux. On se le passe, on se le prête, on se le vole. A son contact, le jardin du Luxembourg devient un décor de Feuillade, et un dragueur basique, tout droit sorti de Tous les garçons s’appellent Patrick, se transforme en un inquiétant vampire.
Mais Dubroux a un dernier atout dans sa manche, une petite bouteille sur son zinc : la comédie. Bien inspirée par son maître Buñuel, elle sait que l’élégance suprême est de faire rire tout en parlant de choses aussi graves que l’angoisse, le désir ou la mort. Son film change sans arrêt de registre, du burlesque au romantisme noir, de Lubitsch à Bergman, de Kierkegaard à Labiche. Comme le titre l’indique assez clairement, c’est à une entreprise de pure séduction que nous convie Dubroux. Dans ce réseau de fausses pistes, rien n’est jamais sûr et tout peut arriver. D’ailleurs, tout arrive.
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