Loin des clichés mélo, un film audacieux, inconfortable mais inabouti, qui lorgne vers John Cassavetes. Sortie Lucie fait ses débuts de strip-teaseuse dans un show assez minable. Le responsable du spectacle lui présente son frère, Jean, qui a perdu la vue dans un accident. Elle offre son corps aux regards anonymes, mais c’est à Jean, […]
Loin des clichés mélo, un film audacieux, inconfortable mais inabouti, qui lorgne vers John Cassavetes.
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Sortie Lucie fait ses débuts de strip-teaseuse dans un show assez minable. Le responsable du spectacle lui présente son frère, Jean, qui a perdu la vue dans un accident. Elle offre son corps aux regards anonymes, mais c’est à Jean, qui ne peut pas la voir, qu’elle se donnera le soir même. Le film pourrait se contenter de cette histoire simple : l’aveugle et la strip-teaseuse. Pour son second moyen métrage (le film dure à peine une heure), Christophe Blanc a mis la barre plus haut. Rien n’est simple au contraire. Et sa mise en scène, heurtée, n’aura de cesse de le montrer. Qu’un moment d’accalmie fasse mine de durer et il bousculera le fragile équilibre. Caméra à l’épaule, il rentre vaillamment dans les scènes, confronte le spectateur au malaise qui suinte des échanges entre Lucie et Jean. Très vite, ils se retrouvent dans un face-à-face asphyxiant où la cruauté des sentiments le dispute à la crudité du désir sexuel. Jean est violent, autodestructeur, alcoolique. Lucie est tour à tour décalée, irritante, touchante. Ces deux personnages ont une présence radicale (on imagine que leurs interprètes, Sarah Haxaire et Jean-Jacques Benhamou, y sont pour quelque chose), déroutante, assez nouvelle en tout cas. Il faut aussi citer Evelyne Ker (mémorable mère de Bonnaire dans A nos amours de Pialat) et Françoise Descarrega, toutes deux remarquables. Lucie et Jean continuent de s’accrocher, le spectateur commence à décrocher. Et puis, brusquement, Christophe Blanc clôt son film sur une ouverture que l’on croit optimiste. Là, on touche du bout des doigts la limite du film. L’auteur sait capter avec succès ce qui relève des sens (belles scènes de chorégraphie des corps), mais a plus de mal à dégager du sens. On ressent très bien la toile d’araignée amoureuse qui englue Lucie et Jean. La scène du jeu érotique avec le glaçon illustre le talent de l’auteur à faire passer la sensation du toucher. Les ambiances sonores se détachent particulièrement, comme exacerbées. Christophe Blanc donne l’impression d’être tellement en osmose avec ses personnages qu’on l’imagine près d’eux, hors champ. Mais du coup, il s’éloigne du poste de metteur en scène d’où il est censé donner son point de vue. Ainsi ce sentiment au bout d’un moment que les personnages sont en roue libre et que le film lui-même glisse sur cette pente.
Mais sa grande qualité est d’avoir résisté à la tentation de la séduction. La plupart de ses images et presque tous ses personnages sont sûrement plus justes que séduisants. Et déstabilisants sans aucun doute. Ce vertige-là, s’il ne dure pas pendant tout le film, en est le précieux prix.
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