A Cannes, Maïwenn a fait sensation avec Polisse, où JoeyStarr explose. Rencontre.
C’est un des coups de force du Festival : Maïwenn + JoeyStarr = Polisse. Constituée dans Le Bal des actrices, la doublette se reforme dans le troisième film de la jeune réalisatrice et propulse définitivement au cinéma le patron du rap français (qui prend une grosse option sur le prix d’interprétation). Entretien croisé exclusif.
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Maïwenn, tes deux précédents films étaient très intimistes. Pourquoi avoir décidé de filmer une brigade de police ?
Maïwenn – Je devais faire l’adaptation du livre de Justine Lévy, Rien de grave, et plus ça avançait, moins j’avais de désir pour ça. J’en ai parlé à un copain réalisateur qui m’a dit qu’après deux films je devais encore avoir peur de tourner. Quand il m’a dit ça, j’ai laissé tomber le bouquin en une seconde et j’ai pris le challenge à l’envers en cherchant un truc qui me faisait peur. J’ai pensé à un film d’action, à un film d’horreur, à un film de science-fiction ou à un film policier. J’ai opté pour ce dernier genre et j’ai commencé à regarder des films sur le sujet – des films avec Delon, la série américaine The Wire ( Sur écoute en VF – ndlr). Au même moment, j’ai découvert un documentaire sur la brigade de protection des mineurs.
As-tu fait un travail d’observation ?
Maïwenn – J’ai passé du temps à la brigade de protection des mineurs. Ils ne me calculaient pas particulièrement.
Joey, qu’est-ce qui t’a intéressé dans ce projet ?
JoeyStarr – D’abord le caractère social du truc puis aussi le fait de tourner avec Maïwenn, parce qu’elle m’avait déjà bien bluffé la première fois dans Le Bal des actrices.
Polisse, ça pourrait aussi être une référence au titre Police de NTM ?
JoeyStarr – Pour savoir ça, il faudrait vraiment connaître NTM et je pense que Maïwenn n’y a pas du tout pensé…
Maïwenn – Non, même s’il m’a forcée à écouter tout NTM (rires).
JoeyStarr – Ouais, ouais… Dans Polisse, je joue un personnage qui n’a rien à voir avec moi en temps normal. J’ai fait comme les autres acteurs du film, je suis allé passer du temps avec les flics. Au début, j’ai pris ça un peu par-dessus la jambe et puis je me suis pris au jeu, je me suis rendu compte de la difficulté du métier de ces mecs : ce n’est pas un métier anodin. Dans le film, mon personnage a un compte à régler avec la vie et j’ai rencontré pas mal de gens dans ce cas-là, des gens qui ont des petites étoiles qui brillent dans les yeux quand ils te racontent leur histoire. Ces mecs ne sont pas carriéristes, pas dans la routine non plus. C’est ça que j’ai aimé.
Si tu devais réécrire le titre Police après cette expérience, est-ce que tu écrirais la même chose ?
JoeyStarr – Ouais, parce qu’à la base j’en ai après l’uniforme et les pouvoirs publics…
Maïwenn – Didier (JoeyStarr – ndlr) s’est hyper bien entendu avec les policiers. C’était très touchant de le voir avec eux.
JoeyStarr – Sans avoir été dans le grand banditisme non plus, je me suis rendu compte que les mecs avaient plein de codes que je connaissais. Il y a des moments où malgré toi tu te rends compte que tu as un peu d’avance là-dessus sur le mec lambda…
Joey, tu as été touché par ces histoires avec les enfants ?
JoeyStarr – C’est toujours une parole contre une autre dans ces histoires de pédophilie. Celle des gamins contre celle des parents, celle des flics contre celle des parents… Tout ça donne des confrontations intéressantes. C’est fort, il n’y a pas de routine là-dedans. Même si les flics font preuve d’une certaine pédagogie, ils sont à chaque fois en face d’un nouveau truc.
Maïwenn, pourquoi avoir choisi d’insérer dans le film un personnage que tu incarnes et qui joue un rôle d’observateur ?
Maïwenn – Après « Martine chez les actrices », j’ai fait « Martine à la police » (rires). Il fallait que je trouve un moyen de faire cohabiter un milieu un peu « créatif » et celui de la police. C’est pour cela que j’ai créé ce personnage.
Comment s’est passée la coécriture avec Emmanuelle Bercot (actrice, réalisatrice notamment de Backstage avec Isild Le Besco, soeur de Maïwenn, dans l’un des deux rôles principaux) ?
Maïwenn – Elle est intervenue juste après ma première version. J’avais fait un stage à la brigade de protection des mineurs et je me sentais un peu perdue quant à la forme du scénario. J’avais tendance à être trop impatiente, à me dire « je verrai ça sur le plateau ». Emmanuelle m’a aidée à tout structurer avant.
Est-ce que tu pensais déjà aux acteurs en écrivant le scénario ?
Maïwenn – Je savais que je voulais faire un autre film avec Didier, il faisait partie de mes « ingrédients » pour le prochain film. Le premier, même. Je ne savais pas ce que je voulais lui faire jouer mais je savais qu’il serait là – sans savoir que ce serait un film sur la police.
JoeyStarr – Tu voulais me faire jouer le rôle de Justine Lévy, non ?
Maïwenn – (rires) Le deuxième ingrédient, c’était une histoire d’amour entre deux personnes d’un milieu social différent ; et le troisième, une mise en scène qui me ferait peur…
Pourquoi avoir voulu à tout prix Didier dans ce film ? C’est une matière que tu aimes pétrir ?
JoeyStarr – Parce que je suis bon… (rires)
Maïwenn – C’est une réponse courte mais assez juste. Sur Le Bal des actrices, j’étais fascinée de voir tout ce qu’il voulait me donner et que je ne pouvais pas prendre. Je me suis rendu compte à quel point c’était précieux. Surtout, je voulais montrer sa fragilité, ses contrastes.
Il y a notamment une scène où Didier pleure en tenant dans ses bras un petit garçon en larmes qu’on vient de séparer de sa mère. Ça a dû être un moment bouleversant.
JoeyStarr – Tout à fait. D’autant que le gamin pleurait vraiment. Un truc s’est déclenché chez lui. On a tourné la scène avec sa vraie mère. A un moment elle a quitté le plateau pour le laisser seul et il s’est mis à hurler. Il fallait jouer avec tout ça. C’est la scène que j’ai préférée. Avec celle où je baise avec Maïwenn dans la cuisine, mais elle a été coupée…
Maïwenn – (rires) C’est Emmanuelle Bercot qui l’avait écrite. La scène était tellement rigolote à faire… Mais quand je l’ai revue, je me suis dit que ça n’était pas ma façon de raconter les histoires. Moi, j’aime qu’on devine.
As-tu le sentiment d’avoir encore été un peu plus loin dans le cinéma avec Polisse ?
JoeyStarr – Dans Le Bal des actrices déjà j’avais pris une torgnole, mais là ça a été encore plus loin. J’en ai pris plein la gueule. Quand je revois cette scène, ça me fait penser à ce truc que je dis souvent en toute modestie : « J’aurais rêvé dans ma vie pouvoir assister à un concert de NTM. » Je dis ça sans faire le malin, juste pour des raisons « techniques ». Le cinéma permet ça. On peut se revoir, essayer de comprendre comment le réalisateur t’a intégré dans l’histoire. Je me regarde, je me fais rigoler comme si ce n’était pas moi et je trouve ça assez agréable.
Maïwenn – Joey n’a pas du tout le complexe d’infériorité classique des comédiens, qui souvent n’aiment pas se voir à l’écran. Il est encore vierge de tous ces mauvais réflexes.
Le but, c’est de rester vierge le plus longtemps possible, Joey ?
JoeyStarr – Quand je lis un scénario, j’ai encore ce truc où je me dis « putain, ils ont pensé à moi ». Après, j’ai envie d’y être. Chez Maïwenn, ce qui est chouette, c’est que tu te fais chahuter. Pendant que tu joues, elle te parle en même temps et il y a tous les autres acteurs autour de toi.
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