Les anciens locaux de l’Ecole nationale supérieure des arts et des techniques du théâtre (Ensatt), plus connue sous le nom d’Ecole de la rue Blanche, ont été vendus fin mars par la Mairie de Paris. Pendant des générations, acteurs et artistes y ont été formés. Des organismes crient leur indignation.
L’école fête ses 70 ans cette année. Cet anniversaire devrait se faire dans la joie. Mais la vente des anciens locaux du 21 rue Blanche, dans le IXe arrondissement de Paris, amène un vent de tristesse, voire de colère au sein de l’établissement. Depuis sa fondation en 1941, Charles Aznavour, Guy Bedos, Irène Jacob, Jean-Paul Belmondo sont autant de figures emblématiques qui ont fait leur formation à l’Ecole nationale supérieure des arts et des techniques du théâtre (Ensatt). Maintenant, les locaux de la rue Blanche sont déserts depuis que l’école a été transférée à Lyon, en 1997.
Laissé à l’abandon, l’hôtel particulier a été vendu le 29 mars dernier par la Ville de Paris. « L’école a été cédée à la société JGS INVEST à un prix dérisoire : 3000 euros le mètre carré, alors ça vaut 10 000 euros le mètre carré dans le quartier! », explique Philippe Ogouz, Président de l’Adami (société civile d’administration des droits des artistes et musiciens interprètes). Cette société a fait une offre de 5 200 000 euros pendant qu’une autre proposait seulement 2 200 000 euros. La Mairie a vendu au plus offrant.
Un lieu unique
« C’est un endroit magnifique avec un jardin à l’intérieur », ajoute-t-il. « J’ai fait mes études dans cette école à Paris il y a 50 ans. A Lyon, elle garde la même éthique mais dans un cadre beaucoup plus moderne ».
D’une superficie de 1 850 mètres carré, le bâtiment parisien se présente comme un patrimoine unique. Un jardin d’hiver donne accès sur un jardin d’environ 260 mètres carrés. Les façades et les toitures sont mêmes inscrites à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Avec le transfert de l’Ensatt à Lyon, les activités artistiques ont cessé dans ce bâtiment. Pourtant, avant 1997, il y avait des interprètes, des techniciens, des costumiers ou encore des metteurs en scène. Au total, l’école multidisciplinaire pouvait accueillir une centaine d’élèves sur concours. En Rhône-Alpes, il y a encore plus d’espace.
Pour redonner de la magie au 21 rue Blanche, l’Adami avait demandé à la ville de Paris d’y installer « La Maison de l’Artiste ». « Dès qu’on a su que les locaux étaient libres, on a fait les démarches nécessaires pour développer ce projet », explique Philippe Ogouz. Pendant cinq ans, l’organisme a tenté de créer un nouvel espace artistique. En vain.
Vendu !
Dans un communiqué de presse intitulé « Vendu! », le Président de la société crie maintenant son indignation. « Ces discussions ont toujours traîné en longueur alors que le bâtiment, livré aux squatteurs, se détériorait gravement au fil des années. L’Adami n’a pas ménagé ses efforts rencontrant des conseillers à la culture qui se sont succédés auprès du Maire de Paris, ainsi que les directrices des affaires culturelles. Des visites ont eu lieu et à la demande des services de la ville, l’Adami a financé des études architecturales qui sont toutes restées lettre morte ».
Aujourd’hui, les dégâts sont considérables dans l’ancienne école-théâtre. Toujours selon lui, « il y a des fuites d’eau et les travaux à faire sont importants ». Déjà en l’an 2000, Jacques Bravo, maire du IXe arrondissement, évoquait la présence de squatteurs dans les locaux. « Très rapidement, ces personnes ont créé des nuisances sonores à répétition, de jour comme de nuit, avec notamment des soirées avec musique se prolongeant tard dans la nuit et rassemblant un nombre important de personnes dans le bâtiment. »
Philippe Ogouz ajoute que le 10 mars 2009, le conseil de Paris a émis le voeu « que la ville de Paris soutienne activement le projet d’une maison des artistes interprètes proposé par l’Adami ».
Etant donné la situation actuelle, le groupe demande aux professionnels du théâtre, attaché au souvenir de l’Ecole de la rue Blanche, d’appuyer une pétition qui sera remise au Maire de Paris. « On attend de voir comment ils vont réagir face à cette requête. Peut-être aurons-nous d’autres lieux pour développer une maison des artistes ! », conclut-il.
Laura Adolphe