L’atroce condition des orphelins sous Franco.
1977. Deux ans après la mort de Franco, un sentiment d’urgence commande à Carlos Giménez de témoigner de sa jeunesse en orphelinat. Lui qui n’avait produit que des divertissements insignifiants couche sur papier quelques anecdotes, résumées en deux
pages, titrées d’une date et du nom de l’établissement concerné : Paracuellos. Plébiscité par un public soulagé de voir la chape de plomb du franquisme se fissurer, le témoignage individuel se mue en une fable collectiviste.
Fable, car le dessin s’appuie sur les codes de l’humour pour retranscrire la douleur et l’horreur de ces enfants, en proie aux privations et aux tortionnaires de l’Education nationale. Collectiviste, car le jeune Pablito Giménez s’efface graduellement pour ne devenir qu’un orphelin parmi d’autres, les anecdotes se succédant avec, pour héros, un pensionnaire chaque fois différent.
Méconnu, longtemps indisponible et pour les deux tiers inédit, Paracuellos est de ces œuvres circonscrivant l’histoire de la BD. Sa cohérence formelle, son importance historique et le saisissement éveillé par le sujet lui donne une puissance écrasante où s’agrègent les émotions les plus contraires et les plus violentes, l’envie de sourire et de pleurer.
Stéphane Beaujean
Paracuellos, de Carlos Giménez Fluide Glacial, traduit de l’espagnol par Richard Lobet, 299 pages, 35 €