Déployée dans les espaces ouverts du Centre Pompidou, “La Bibliothèque Chimurenga” marque par son installation bibliographique la présence/absence des ressources autour de l’imaginaire radical noir francophone.
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Qu’elle soit la seule à recevoir du public dirait presque, incidemment, quelque chose de sa nature. A la Bibliothèque publique d’information (Bpi), seul espace encore accessible du Centre Pompidou, se déploie l’installation temporaire La Bibliothèque Chimurenga.
Issue d’une l’invitation initialement lancée dans le cadre de la Saison Africa2020, dont la plupart des expositions ouvrent actuellement en l’absence même de visiteur·euses, cette installation temporaire investit les trois étages de la bibliothèque et trace une matérialisation visuelle des ressources sur la tradition et l’imagination radicale noire francophone – celles, archives “visibles”, disponibles dans la collection de la Bpi et celles, archives “cachées”, qui en sont absentes.
Cette cartographie élective, dédoublant les taxonomies établies pour leur substituer, au cœur de l’institution, un versant pirate, se signale d’abord par une signalisation alternative. Au sol, un parcours fléché, ponctué de brèves citations dessine un parcours, ou autant de “lignes de lecture”.
Entre les rayons, des cartes viennent marquer certains livres, quand ce ne sont pas, carrément, de faux livres rajoutés afin de pointer les manques, et ce qui aurait dû être. Dans un espace central enfin, des cartes et diagrammes thématiques, mêlant noms, références et documents visuels, ouvrent à un espace de consultation de livres, revues, extraits de films et de musique, pensé comme un espace d’exposition.
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Une approche subjective de l’histoire des luttes
Fondée en 2002 par Ntone Edjabe, la plateforme panafricaine d’art et politique Chimurenga résiste à son tour aux définitions de surplomb : La Bibliothèque, déployée au fil de diverses invitations depuis 2009, constitue leur “méthode de travail”, au sens où les activités du collectif, à géographie variable, comprennent également la publication de divers ouvrages, ainsi qu’une station de radio en ligne, la Pan African Space Station.
En mêlant les faits et la fiction, les anecdotes et l’Histoire, tout en veillant à inclure également la matière visuelle et musicale, La Bibliothèque Chimurenga fait émerger une approche subjective et située de l’histoire des luttes. “La méthodologie laisse place pour le goût et l’intérêt de chacun·e des chercheur·euses”, raconte l’éditrice Rosanna Puyol, intégrée au projet par le biais de l’atelier de traduction collective de l’anglais vers le français qu’elle coordonne autour de l’ouvrage de référence The Undercommons: Fugitive Planning & Black Study (2013) de Stefano Harney et Fred Moten.
En cela, elle s’accorde à l’ambition de Ntone Edjabe, qui explique avoir voulu “présenter une généalogie des études noires dans le monde francophone” plutôt que simplement “présenter des Black Studies à la française”, précisant également qu’“il y a une distinction entre les études noires (un champ d’études interdisciplinaires) et l’étude noire (une méthode indisciplinable qui reconnecte la connaissance incarnée à n’importe quel corpus de connaissances). C’est la différence entre regarder les Noirs et regarder avec les Noirs.”
Or si lire, et relire, implique pour chacun·e d’engager ses propres ressources, connaissances et expériences, plutôt que de continuer à se laisser guider par d’autres, par leurs voix et leurs voies, l’accès à plus d’un an de recherches n’est pas conditionné à l’accès à l’installation : un nouveau numéro de la revue trimestrielle Chronic édité par Chimurenga, “Imagi-nation Nwar”, compile le travail bibliographique mené, pour ce versant français, par Pascale Obolo, Amzat Boukari-Yabara, Amandine Nana, Amina Belghiti, Paul-Aimé William et Rosanna Puyol.
La Bibliothèque Chimurenga jusqu’au 3 mai, Bpi – Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Paris
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