« Caveau », « cercueils », « cimetière », « ange » et tout simplement « mort » sont les mots-clés des intitulés des romans qui cartonnent en librairies. Le reflet d’une période mortifère ?
Quand on lit ce qu’on appelle les « best-sellers », genre Marc Levy et Guillaume Musso, ce qui saute aux yeux c’est que le contenu de ces « objets avec des pages où sont imprimés des caractères » ne compte absolument pas.
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Car franchement, ce qui compte au pays du commerce (comprenez ce qui fait vendre) ne peut quand même pas être fondé sur deux idiots qui échangent leurs portables par inadvertance dans un aéroport (Musso dans L’Appel de l’ange) ou sur un pitch aussi improbable qu’une bécasse qui, suite à ce que lui a dit une voyante, doit retrouver les six personnes qui la mèneront à… à quoi ? A son destin ! (Levy dans L’Etrange Voyage de monsieur Daldry). Les lecteurs achèteraient parce qu’ils croient à ces intrigues ? Impossible, à moins de consacrer ses journées à la ganja.
En 2011, la mort fait vendre
Reste donc le titre. Ce qui compte, ce qui donne envie aux gens d’acheter, ce serait forcément le titre, se diront les plus rationnels qui, à part ça, ne voient vraiment rien… Et ils ont raison : il n’y a qu’à jeter un oeil sur la liste des meilleures ventes de romans (Livres Hebdo, du 18 au 24 avril) pour réaliser qu’il existe des tendances dans les titres des livres qui cartonnent.
Par exemple, le mot « enfant », cette année, fait fureur : vu dans Les Enfants d’Alexandrie de Chandernagor (5e position du top 50), Les Enfants de la terre, vol. 6 de Jean M. Auel (6e), L’Enfant allemand de Camilla Läckberg (17e), et puis en filigrane dans Le Fils de Rostain (28e). Ah, l’enfant… Trop mignon.
Désir d’avenir ? Pas franchement, car le deuxième mot, ou plutôt le deuxième « concept » trendy dans les titres des best-sellers du moment, n’est autre que la mort, la morbidité, l’au-delà… compris dans L’Appel de l’ange de Musso (2e), Le Cimetière de Prague d’Eco (4e), Le Caveau de famille de Katarina Mazetti (8e), Havre des morts de Cornwell (14e), Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire (et on le comprend !) de Jonas Jonasson (15e), Le Testament d’Ariane, vol. 1 de Françoise Bourdin (29e), Du bois pour les cercueils de Claude Ragon (34e), Le Passage (disons…) de Justin Cronin (36e), Morte la bête de Lotte et Søren Hammer (49e).
Inutile de vous faire un dessin : l’ambiance printanière version 2011 est d’un triste… Sans compter que dans la veine morbide, on n’en a pas encore fini avec l’anniversaire de la mort (oui madame, de la mort…) de Louis-Ferdinand Céline (encore quelques livres à paraître sur l’éternelle question), ni avec le retour de « la momie » à l’occasion des vingt ans du 10 mai 1981, et sa flopée de livres idolâtres autour de Mitterrand, et puis les inédits de morts en tout genre (Hemingway, Arthur Miller, Robert Louis Stevenson…), les gros volumes compilant l’oeuvre entière d’encore plus de morts (Tennessee Williams, E. M. Forster, Sylvia Plath…), et l’inénarrable succès des livres qui balancent le « parler franc, fric, fou » d’un président moribond… La vie n’est pas drôle, c’est sûr. Et l’humeur généralisée ne se reflète peut-être jamais aussi bien que dans l’attirance des lecteurs vers certains romans. Pardon, vers certains titres de romans.
Nelly Kaprièlian
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