Toujours centrée sur son attachante équipe hospitalière, la série de Thomas Lilti poursuit en huit épisodes son auscultation des enjeux intimes, collectifs, sanitaires et politiques de notre société.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pour nous tou·tes, la planète est devenue en treize mois une gigantesque série médicale. Une série détestable, aux rebondissements sordides et qui n’en finit pas. Du très mauvais binge-watching. Heureusement, pour échapper au réel sans complètement regarder ailleurs et même comprendre un peu mieux ce qui se joue actuellement, Hippocrate se pose là.
Faute de concurrentes sérieuses (même si la très eighties Médecins de nuit n’était pas si mal), nous tenons la meilleure fiction médicale de l’histoire du petit écran français, dont la deuxième saison percutée par la pandémie (tournage interrompu, retour du créateur Thomas Lilti, ex-médecin, aux urgences durant la première vague) confirme le statut de médaille d’or.
Tout commence par une fuite maousse
On a beau chercher des poux à ce que son réalisateur appelle lui-même une “chronique hospitalière”, quelque chose nous aspire de façon assez irrésistible au fil du chaos qu’elle met en scène, dans ce décor vétuste et néanmoins grouillant de corps qui souffrent, alors qu’une poignée de blouses blanches réfléchit à la meilleure façon de les soigner : l’hôpital public français des années 2020.
Tout commence opportunément par une fuite maousse, qui pousse le service de médecine interne – celui où se passait l’action en première saison – à accueillir les urgences et les problèmes qui vont avec. Alyson (Alice Belaïdi), Hugo (Zacharie Chasseriaud) et Chloé (Louise Bourgoin) se retrouvent sous la direction d’un type bourru mais aimable au premier coup d’œil, que le Belge Bouli Lanners joue avec un appétit d’ogre qui ne ferait néanmoins pas de mal à une mouche.
Lilti a le talent de viser juste et souvent du premier coup
Cette manière de croquer un personnage à grande vitesse, comme s’il avait toujours été là, juste à côté, comme s’il lui avait juste suffi d’ouvrir une porte pour exister, met en lumière la séduction première d’Hippocrate. Lilti a le talent de viser juste et souvent du premier coup, que ce soit par sa façon d’entrer dans les scènes sans exposition inutile ou par son désir de petites digressions qui viennent ajouter le sentiment d’une impro tremblante à l’intérieur d’une partition huilée.
Avec son désir constant de rester collée aux personnages et aux décors sans les regarder de haut, la série raconte autant une réalité politique aiguë – l’abandon pur et simple des hôpitaux à leur sort – que des trajets intimes et physiques faits de micromoments, regards épuisés, gestes inachevés, phrases prononcées en coup de vent.
Cette dynamique lui donne toute son incarnation. Ce que travaille Lilti, c’est finalement comment un système et les éléments humains qui le constituent gèrent la proximité permanente des gouffres : intimes, collectifs, sanitaires, politiques.
Garder son calme
On a assez souvent reproché aux séries françaises de ne pas savoir regarder le monde pour ne pas reconnaître la féroce singularité d’Hippocrate sur ce point. Elle y parvient en évoquant la crise covidée que nous traversons uniquement lors des deux derniers épisodes, c’est-à-dire en ayant confiance en ses moyens pour nous tenir éveillé·es durant les six qui précèdent.
Quand la pandémie s’est incrustée par effraction dans son planning de tournage en mars 2020, Thomas Lilti aurait pu tout réorienter en fonction de l’effroyable actualité. Il a préféré tenir son cap. Garder son calme. Le signe des grandes séries.
Hippocrate saison 2 de Thomas Lilti, avec Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud, Karim Leklou. Sur Canal+
{"type":"Banniere-Basse"}