Croisés notamment en première partie d’IAM, les Canadiens de Radio Radio font du hip-hop en Acadien, et le font rudement bien : interview au long cours d’un groupe au croisement de tout, à la langue unique, de types absolument drôles et résolument passionnants.
Vous avez joué en première partie d’IAM, est-ce que c’est un groupe qui a fait partie de votre éducation musicale ?
Gabriel : Moi j’avais écouté pas mal beaucoup, c’est un des groupes que j’écoutais le plus quand j’étais jeune, qui m’a initié au hip-hop, même que quand j’ai commencé à écrire un peu j’imitais l’accent du rap français parce qu’il n’y a presque pas de rap acadien sauf l’ancien groupe de Jacobus et Maleco, ça fait que j’avais de la miisère à me détacher de l’accent français.
Jacques : Je les ai seulement connus par après. C’est un groupe que je respecte beaucoup, je sais qu’ils ont fait beaucoup pour le hip-hop français, mais ce n’est pas un groupe que j’écoutis. J’écoutais pas mal que du hip-hop de la côte est, le Wu-Tang Clan, Redman, Notorius BIG, etc. Mais je me suis mis à écouter plus de rap français pour voir quelle était la compétition, comme je m’étais mis dans la tête. Ce n’était pas la compétition mais c’était juste de savoir ce qui se faisait en français, et IAM c’était une base, une référence. Tu as Fonky Family, tu as IAM, tu as Diziz la peste, tu as plein d’autres styles de hip-hop qui se fait en France et que je ne connaissais pas, mais je me suis informé ! Comme ça j’ai découvert plein d’autres groupes qui sont bons, mais ce n’est pas ça que j’écoutais.
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Vous avez écouté pas mal de hip-hop alors ?
Jacques : Oui en grandissant, mais un peu de tout. Country, jazz, folk, bluegrass, hip-hop, n’importe quoi. On écoutait un peu de tout parce que dans les petites communautés la radio ne joue pas de hip-hop, donc le seul hip-hop que tu connais c’est tes amis et MuchMusic, alors c’est tes seules références. On achetait un album basé sur une chanson. Donc le hip-hop on écoutait beaucoup, mais un peu de tout aussi.
Gab : Je pense que c’est une des raisons de pourquoi beaucoup de nos fans n’ont pas d’antécédents hip-hop, ce n’est pas des fans de hip-hop, c’est des fans de n’importe quoi d’autre, c’est parce qu’on vient d’un background fait de country, de musique du monde, et on arrive avec une ouverture, et ça fait en sorte que nos fans souvent viennent nous dire qu’ils n’avaient jamais écouté de hip-hop mais qu’ils accrochent sur notre musique. D’autant plus que par chez nous il y a des scènes musicales, mais qui englobent tout. Il n’y a pas assez de monde pour former différentes scènes. A Moncton il n’y a pas assez de monde pour faire une scène hip-hop. Moi j’étais un dj, je scratchais, et je jouais avec des groupes de rock, de jazz, de funk, de n’importe quoi, ça fait qu’on est ouvert, on est exposé à toute sorte de musique, ça fait qu’on n’est pas unidimensionnels quand on parle de nos inspirations.
Jacques : Moi avec mon premier groupe je faisais les premières parties d’Edith Butler, de Zachary Richard… On faisait du hip-hop et on faisait les premières parties pour les plus jeunes. On a joué 4 ou 5 chansons avec 1755, c’était totalement jour et nuit dans le style , parce qu’il n ‘y avait pas de scène hip-hop, il y avait une scène musicale. Et le monde se déplaçait pour voir de la musique.
Et il y avait quand même une bonne diffusion, des salles, des disquaires ?
Gab : Il y a des salles, mais l’industrie comme telle et les infrastructures restent à développer. Il n’y a pas de télévision acadienne. Tu vois au Québec il y a une sorte de star-system, tu as des réseaux de télévision, un peu plus de médias pour propager le contenu.
Est-ce que la tradition musicale acadienne a vraiment joué dans votre éducation musicale ?
Jacques : Pas plus qu’il ne le faut. On l’écoutait, on savait ce que c’était, mais ce n’est pas ça qui nous influençait à écrire ou rien , mais à force de faire des spectacles avec des groupes acadiens connus dans notre région, nos provinces maritimes, on était de plus en plus exposés à cette musique-là, donc ça nous a pas influencé dans notre genre de musique , mais veut veut pas ça nous a influencé d’une façon ou une autre. Je n’ai pas grandi avec 1755, je ne les ai pas connus quand j’ai commencé à faire de la musique, mais en même temps ça m’a fait réaliser qu’est-ce qu’il fallait passer à travers pour faire de la musique. C’est traditionnel maintenant, mais dans le temps c’était du rock, c’était différent, ç’a changé. Même chose avec Zéro Degré Celsius, c’était avant-garde, c’était différent. Au niveau des influences sur le style pas du tout, mais des influences sur le fait que des Acadiens peuvent faire n’importe quoi, oui un peu.
Gab : Il n’y avait pas vraiment de hip-hop avant nous donc on n’a pas vraiment été influencés par l’Acadie, mais pour moi c’est plutôt l’esprit de fête, la joie de vivre, les partys de famille où tout le monde est invité et où on ne fait pas de distinction entre les jeunes et les vieux. Les partys avec les grand-mères, les grand-pères, les mononcles et les matantes c’est les meilleurs partys. Un bon mariage c’est quand toutes las matantes sont là et qu’on danse ensemble. Je pense qu’on apporte tout ce bagage et ce côté d’héritage, de culture. C’est comme un party de cuisine. C’est presqu’un cliché, mais nos concerts sont comme des partys de cuisine parce qu’il y a des jeunes, des parents… Belmundo Regal c’est un disque qui peut s’écouter en famille, en road-trip. Ça vient nécessairement un peu de nos racines.
Jacques : Moi je pense que s’il y a une chose qu’on a faite, c’est qu’on a un peu tué le stéréotype de ce qu’est le hip-hop en général. Il y a d’autres groupes qui l’ont fait, mais pas en Acadie. Quand il y a des bœufs et qu’on rappe avec des joueurs de banjo ou de l’accordéon, les vieux groovent, dansent et s’amusent. Ils disent souvent « J’aime pas le hip-hop, mais j’aime ce que tu fais ! » Donc on a au moins ouvert leurs esprit au fait qu’il y a autre chose que ce qu’ils voient à la télévision, avec le bling-bling et les cadillacs. On a changé un peu la perception du hip-hop, au moins dans les maritimes.
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