Après le saccage du « Piss Christ » d’Andres Serrano le 17 avril à Avignon, la Coordination Défense de Versailles, connue pour son combat contre l’art contemporain, croit avoir identifié les coupables: le « réseau new-yorkais ».
Nouveau rebondissement dans l’affaire du « Piss Christ » vandalisé: dans un communiqué délirant envoyé à la presse, l’association ultra-réac de Versailles dénonce un vaste complot orchestré par les acteurs de l’art contemporain et les responsables politiques.
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Après avoir fait parler de lui en 2010 en s’opposant à l’expo Murakami au Château de Versailles, le groupe part à nouveau à la chasse aux sorcières. Sa mission: lutter contre les dérives offensantes de l’art contemporain à l’égard de la religion, quitte à se perdre dans des méandres inextricables de théories fumeuses. Bref rappel des faits.
Septembre 2010. L’association versaillaise organise une manifestation contre l’exposition Murakami dénonçant « le désordre mental et la vulgarité érigée en prétendue oeuvre d’art ». Après s’en être pris aux expositions Jeff Koons et Xavier Veilhan en 2008 et 2009, ces détracteurs de l’art contemporain, passent la vitesse supérieure et adressent une pétition à Jean-Jacques Aillagon, responsable du château de Versailles, et au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, réclamant l’interdiction de l’expo.
17 avril 2011. Quatre hommes, qui appartiendraient à une association ultra-catholique, saccagent à coups de marteau le Piss Christ d’Andres Serrano en Avignon. Après lettres d’insultes, pétitions, manifestations à répétition et menaces de mort, la collection Lambert et tout le monde de la culture est sous le choc. L’oeuvre, en circulation dans les musées du monde entier depuis 1987, a provoqué de nombreuses réactions, mais c’est la première fois qu’on tente de la détruire.
1er mai 2011. Par un habile tour de passe passe qui flirte bon la récupération, la Coordination Défense de Versailles annonce tenir les coupables du massacre d’Avignon. Dans un communiqué grotesque en trois points, le groupe annonce « être sur la piste du réseau New-Yorkais », qui semble définir ici une sorte de nébuleuse des supporters de l’art contemporain, sans que cela ne soit très clair.
Leur très fine analyse d’un modus operandi répétitif fondé sur la «provocation/invitation à la violence, le vandalisme hystérique des médias et l’extension de provocation par autodafé de la censure new-yorkaise» leur permet de tirer des conclusions pour le moins surprenantes.
A les en croire, l’opération aurait été orchestrée par le milieu de l’art contemporain lui-même «qui tenterait le pire pour endiguer la résistance en marche!», comprenez celle des bons chrétiens outrés par la tendance blasphématoire d’un certain art «accapareur des Biens Nationaux, des 1% artistiques, des médias d’Etat» et qui censurerait «40 000 artistes français». Rien que ça.
«Aucun chrétien n’a pu frapper au visage le Christ, d’un coup de marteau, le jour du triomphe du Christ-Messie!», affirme au passage Arnaud Upinsky, le président de la Coordination Défense de Versailles, qui en profite pour dénoncer le manque de réaction des politiques, notamment de Frédéric Mitterrand, qui seraient donc eux-mêmes entrés dans la spirale infernale de la profanation. La coordination accuse le réseau new-yorkais d’«attentat téléguidé contre la liberté d’expression» et demande «aux Français de faire déguerpir les accapareurs indus de leurs richesses».
Nina Gazaniol
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