Il est le premier à s’être lancé à l’assaut dans l’Hyper Casher. Un policier du Raid raconte au Parisien le déroulement de l’offensive de la porte de Vincennes.
Antoine (dont le prénom a été modifié) a la trentaine et a participé, en moins de trois ans, au siège de Mohamed Merah, à la traque des frères Kouachi et à l’assaut de l’Hyper Casher situé porte de Vincennes, le vendredi 9 janvier 2014.
Le jour de la prise d’otage d’Amedy Coulibaly, Antoine est intervenu sur place, avec l’aide de 70 collègues du Raid, de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) et de la brigade d’intervention (BI). Dans une interview au Parisien, il se souvient « d’une frustration en apprenant le vendredi matin que [les frères Kouachi] avaient été localisés à Dammartin-en-Goële, non loin de là où nous avions stoppé nos recherches. […] C’est alors qu’on a été informés de la prise d’otages de la porte de Vincennes. »
« J’allais prendre la tête de la première colonne d’assaut »
Vers 17h, après avoir attendu les instructions plusieurs heures, l’ordre tombe. Il faut intervenir.
« On savait qu’il y avait au moins trois morts, que Coulibaly était lourdement armé, qu’il avait probablement un complice et qu’il restait une vingtaine d’otages (26 en réalité). Chacun d’entre nous, Raid, BRI, BI, s’est vu confier un rôle précis. C’est à ce moment-là que mon chef de groupe m’a dit que j’allais prendre la tête de la première colonne d’assaut à l’entrée principale du magasin. »
Une position qu’Antoine avait déjà tenue lors d’autres interventions dans des affaires de grand banditisme. « Cela dit, ce poste n’a rien de spécifique tempère-t-il, c’est une action de groupe, nous intervenons ensemble, soudés et déterminés. » Briefés par des chefs de groupes qui connaissent les ressorts et capacités de chacun, chaque policier connait son rôle avec précision.
Les tirs d’Amedy Coulibaly
Le 9 janvier, Antoine avait ainsi pour mission de protéger avec son bouclier le collègue chargé d’ouvrir le rideau métallique de l’entrée.
« A mesure qu’il se lève, je sais que le risque de tirs grandit. Le plus grand danger est de se retrouver face à une situation à laquelle on ne s’attendait pas. Le temps de réaction peut alors être fatal. En fait, l’idée est simple : une fois le rideau levé, il faut analyser le maximum d’éléments en un minimum de temps, puis s’adapter, sachant que la vie des otages prime sur tout le reste. »
Antoine aperçoit le corps d’un otage au sol, puis Amedy Coulibaly, quelques mètres plus loin, de l’autre côté des caisses. Celui-ci tire ses premières balles contre le bouclier d’Antoine, qui continue d’avancer en ripostant, en prenant soin de se placer dans une allée à l’opposé des otages, afin que ceux-ci ne soient pas pris pour cible.
« J’ai mis un certain temps à trouver le sommeil »
Une balle de Coulibaly, freinée par le gilet pare-balles, finit par blesser Antoine. Les autres policiers entrent dans l’Hyper Casher et ouvrent le feu. Continuant de s’avancer vers le Raid, Amedy Coulibaly meurt sous l’impact des balles. L’ensemble des policiers fouille alors le magasin avant de rentrer au Raid échanger leurs impressions :
« Comme les collègues, j’ai mis un certain temps à trouver le sommeil. On se refait le film des événements, en essayant de voir ce qu’on aurait pu faire mieux. Et puis je pense à ma famille et à mes proches, à qui je cause de fortes inquiétudes (rires). Sans eux, je n’en serais pas là. »
Plutôt serein aujourd’hui, Antoine a intégré le Raid il y a six ans, après un poste de CRS en région parisienne. Il préfère tempérer les ardeurs de ceux qui le félicitent à l’excès :
« Je ne suis pas un héros. Comme mes collègues, j’ai juste fait mon travail, rien de plus. Et c’est le travail de tout un groupe, pas d’un seul policier avec son bouclier. Nous nous entraînons toute l’année pour faire face à ces situations difficiles. »