Objet de fantasme, les dernières heures de la vie de Marilyn Monroe deviennent sous le regard du Polonais Krystian Lupa un flamboyant chemin de croix digne de la Passion du Christ.
Evoquant le crépuscule de la vie d’une star planétaire, Krystian Lupa, maître incontesté de la scène polonaise, multiplie dans Persona.Marilyn, les références au 7éme art, jusqu’à réussir le tour de force de réconcilier autour de la personne de Marilyn Monroe, le cinéma d’Ingmar Bergman et celui de Pier Paolo Pasolini.
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Vêtue d’un pull camionneur outrageusement décolleté qui lui couvre à peine le haut des cuisses, c’est dans un studio de cinéma désaffecté où la rumeur prétend que Chaplin a tourné que nous découvrons une Marilyn vivant en recluse avec pour seules provisions de bouche des cigarettes et du whisky.
Pour tromper le spleen qui la submerge, elle travaille Dostoïevski. Revenant sur le rôle de la séductrice qui rend fous les frères Karamazov, elle s’abandonne au souvenir douloureux d’un projet de film qu’elle espérait en climax de sa carrière d’actrice et jamais réalisé suite à sa séparation avec le romancier Arthur Miller, auteur du scénario.
Sandra Korzeniak splendide
Au fil de cette dernière nuit et comme autant de remords, quelques visiteurs se succèdent. D’une répétition avec Paula Strasberg son coach es Actors studio à une séance de prise de vues avec André De Dienes un ami photographe… de l’étreinte furtive avec un amant de passage aux leçons de morale de Ralph Greenson le psy qui la pourchasse, Marilyn passe de main en main sans trouver de réconfort.
Splendide dans son incarnation du mythe, Sandra Korzeniak joue de l’identification sans limites. Nue les trois quarts du temps, elle assume tout de son modèle, de la blondeur peroxydée à l’éclatant carmin du rouge à lèvres, de l’innocence d’un visage d’ange à l’impudeur d’un sexe épilé. Face aux regards des autres, son abandon en dit long sur la détresse de la star devenue pour tous un tel objet de fantasme qu’elle exhibe désormais son corps comme une image ne lui appartenant plus.
Oser le choc de l’indécence pour inventer un cérémonial baroque témoignant au plus près des désordres de l’intime est la seule feuille de route de Lupa. Il se fait bergmanien quand il cible avec une extrême justesse le point de non retour jusqu’où un être peut s’emmurer dans l’incommunicabilité pour fuir sa propre destinée. Mais au final, c’est en fervent admirateur du lyrisme pasolinien qu’il rend compte d’un combat entre le corps et l’âme qui chez Marilyn Monroe prend alors les allures d’un chemin de croix digne de la Passion du Christ.
Un absolu de théâtre
Dans un final en forme de remake du Sunset boulevard de Billy Wilder, c’est aux pieds de son dernier amant mis en croix et dans une semi-inconscience que la belle s’allonge sur un autel de fortune pour s’abandonner aux flammes purificatrices d’un feu divin qui la libère enfin de son enveloppe charnelle.
Aussi furieusement écorché vif que dévotement blasphématoire, Persona.Marilyn est un absolu de théâtre, la pièce centrale du triptyque dédié par Krystian Lupa à trois figures marquantes du XXéme siècle. Après la découverte en début de saison de Factory 2, sacralisant la figure d’Andy Warhol en pape du pop art, et encore sous l’emprise de ce Persona.Marilyn consacré l’icône du glamour hollywoodien, on brûle maintenant d’impatience de découvrir, Le Corps de Simone, dernier volet de cette trilogie où Lupa canonise en sainte de la pensée désincarné la philosophe française Simone Weil.
Pour tromper notre attente, on se réjouit de retrouver Lupa arpentant les terres de Beckett avec Fin de partida (Fin de partie) une pièce créé en 2010 avec les acteurs du Teatro de la Abadia de Madrid.
Patrick Sourd
Persona.Marilyn conception, texte et mise en scène Krystian Lupa., en polonais surtitré, du 3 au 7 mai, et Fin de partida de Samuel Beckett, mise en scène Krystian Lupa., en espagnol surtitré, du 13 au 18 mai. au Théâtre Nanterre-Amandiers
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