Valant essentiellement par son sujet, les Sex Pistols, tout de morgue et de classe électrisante, ce docu rappelle ce que fut la puissance séditieuse du rock. L’avantage avec les oripeaux punks, ces vestes lacérées, zippées, déstructurées, c’est qu’on peut les retourner sans que cela saute aux yeux ou porte réellement à conséquence. Julien Temple a […]
Valant essentiellement par son sujet, les Sex Pistols, tout de morgue et de classe électrisante, ce docu rappelle ce que fut la puissance séditieuse du rock.
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L’avantage avec les oripeaux punks, ces vestes lacérées, zippées, déstructurées, c’est qu’on peut les retourner sans que cela saute aux yeux ou porte réellement à conséquence. Julien Temple a bien saisi que le détournement était constitutif du phénomène, lui qui eut la révélation en entendant Johnny Rotten éructer une version travestie en hate du I want you to know I love you des Small Faces. Le sous-titre de ce documentaire, La Véritable Histoire des Sex Pistols, qui sonne comme une tentative improbable de pierre-bellemarisation du mythe, peut prêter à sourire sachant que Temple était déjà signataire il y a vingt ans d’un Great rock’n’roll swindle totalement inféodé à Malcolm McLaren, le manager marionnettiste post-situ du groupe. Entre-temps, Rotten, redevenu Lydon, a gagné ses procès, récupéré la propriété de tous les documents filmés, autorisant le cinéaste à négocier un virage en épingle à nourrice pour s’instituer nouveau gardien du temple. Mais nevermind les querelles, les pinaillages entre la créature Rotten et son Frankenstein, cet échange de coups bas pour la seule jouissance d’un copyright.
Film dossier à la finalité un peu vaine, L’Obscénité et la Fureur chamboule, à son corps défendant, deux, trois acquis cinématographiques. Car sera proclamé ici, exceptionnellement, la suprématie du sujet sur la mise en scène, la victoire des rushes sur le montage. Qu’importe la façon dont l’assemble Temple, seul compte le matériel et toute la charge brute qu’il recèle, la teneur toujours incendiaire qui émane de ces images glavioteuses. Parce qu’on avait depuis longtemps remisé au grenier nos 45t sous pochettes Jamie Reid, et toujours joué les Buzzcocks ou le Clash contre les Pistols, on est pour le moins surpris de taper du pied, sentir affluer l’adrénaline ou, au sortir de la projection, marmonner avec une agressivité peu coutumière les paroles de Pretty vacant. Une gifle de plans des Pistols aura toujours plus d’impact que les lignes, pourtant de haute volée, que leur a consacrées Greil Marcus dans Lipstick traces.
A revoir ainsi Rotten le gueux crisser, grimacer ou invectiver le public, l’évidence a le tranchant du couperet. La fusion de morgue et de classe dont il éclabousse les parterres ne pouvait que rencontrer la fascination d’une Angleterre plongée dans l’hiver de son mécontentement et la haine, majoritaire, des tenants de l’establishment. Que ces riffs d’insurrection no fun aient pu perdurer plus de deux ans face à la vindicte atteste que cet embrasement n’avait rien d’un feu de paille. Les retours de flammes qui irisent alors l’épiderme du spectateur sont aussi malheureusement le témoignage du trait que semble avoir définitivement tiré le rock sur ses aspirations à la mutinerie.
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