Le cinéma italien réserve encore d’agréables surprises, comme le premier film d’Armando Manni, portrait de deux rêveurs. Des fausses Marilyn et des faux Elvis, il y en a partout. La preuve : une Olinka des Carpates et un Jesse Garon de Bucarest chantent dans des salles de spectacles miteuses mais joyeuses. Deux sosies d’Elvis Presley […]
Le cinéma italien réserve encore d’agréables surprises, comme le premier film d’Armando Manni, portrait de deux rêveurs.
Des fausses Marilyn et des faux Elvis, il y en a partout. La preuve : une Olinka des Carpates et un Jesse Garon de Bucarest chantent dans des salles de spectacles miteuses mais joyeuses. Deux sosies d’Elvis Presley et de Marilyn Monroe, un garagiste bulgare et une jeune Roumaine qui travaille dans une décharge, gagnent un concours organisé par un imprésario italien qui leur promet une série de représentations dans un cabaret sur la côte Adriatique. Privés de passeports par la police, les deux rêveurs vont entreprendre un long détour à travers les Balkans ravagés par la guerre pour rejoindre l’Italie et ses promesses de gloire.
Un film italien, ça existe encore ? Oui, Elvis et Marilyn, le premier long métrage écrit et réalisé par un ancien photographe de rock des années 80. On craint le pire. Ce road-movie n’est pourtant ni un produit visuel apatride (on y respecte la langue de chacun) ni un reportage racoleur. Le film parvient, dans un paysage cinématographique tout aussi dévasté que ceux traversés par notre couple d’infortune, à exister non pas comme un téléfilm plein de bonnes intentions, mais comme un véritable film de cinéma. La faute à qui ? Surtout aux deux acteurs, qui retrouvent la grâce prolétaire des beaux mélos d’antan, et à des péripéties à la fois terrifiantes (la mort rôde) et déceptives (le film choisit le hors-champ, comme ce camp militaire perdu au milieu de nulle part où des soldats hagards sortis du Désert des tartares ont sans doute oublié pourquoi ils étaient là).
Armando Manni convoque les fantômes de Ferreri (le goût de l’allégorie douce et de la farce tragique) et même Fellini, lorsqu’il s’aventure du côté du sordide et du sulpicien. Elvis et Marilyn sont des cousins de Gelsomina et de Ginger et Fred, survivent aux pires épreuves pour finir dans la boue d’un show-business dégradé, de la pornographie et de la prostitution. Ils se cognent aux pires manifestations de barbarie et d’obscénité (la guerre, l’esclavagisme moderne), dénoncées sans complaisance par le cinéaste.
Comme souvent dans les premières œuvres traversées d’audaces mais aussi de maladresses, le principal écueil du film réside dans une bande sonore envahissante, qui a le malheur de souligner les scènes de violence par d’horribles lamentations vocales (du style misère des voix bulgares). Le martyr de la pauvre Marilyn, victime de sa beauté dans un camion rempli de soldats fantômes, n’en demandait pas tant. Le film se met soudain à ressembler à du sous-Kusturica, alors qu’il vaut bien davantage. Malgré quelques effets visuels de trop, on garde longtemps le souvenir d’un film intense et rageur qui doit beaucoup à la beauté de ses deux interprètes.