En racontant la défloration d’une adolescente, Caroline Vignal signe un premier film estimable et juste, mais formellement timide. En prenant pour sujet le dépucelage d’une jeune fille, thème archifréquenté, Caroline Vignal n’a pas choisi le terrain le plus facile pour se faire remarquer et sortir du rang. Mais si l’on considère que son sujet profond […]
En racontant la défloration d’une adolescente, Caroline Vignal signe un premier film estimable et juste, mais formellement timide.
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En prenant pour sujet le dépucelage d’une jeune fille, thème archifréquenté, Caroline Vignal n’a pas choisi le terrain le plus facile pour se faire remarquer et sortir du rang. Mais si l’on considère que son sujet profond est justement la normalité des choses en général et de la découverte du sexe en particulier, la banalité absolue de la fin de l’adolescence, que la singularité est plus affaire d’intériorité que d’apparence extérieure, alors Les Autres Filles est assez réussi.
Solange, 15 ans (Julie Leclercq, parfaite en jeune fille banale), est apprentie coiffeuse dans une petite ville de province. En butte aux railleries de ses camarades plus mûres ou plus âgées qu’elle, Solange n’a bientôt plus qu’une obsession : perdre sa virginité. Il ne s’agit pas tant pour elle de trouver le grand amour que d’arriver « à la hauteur » de ses copines, de se fondre socialement dans le groupe (celui des « autres filles »), bref, de se débarrasser coûte que coûte du fardeau de son état de petite fille.
Cette façon de considérer la première expérience sexuelle comme un examen de passage social est généralement attribuée aux garçons plutôt qu’aux filles auxquelles on prête des désirs davantage romantiques ou métaphysiques. De ce point de vue, le film de Vignal est donc (légèrement) novateur. Sur le plan formel, il l’est beaucoup moins, même si l’on ne peut faire aucun reproche majeur au travail de la réalisatrice. Elle scrute le quotidien de Solange, ses gestes, ses regards, ses pensées, son milieu familial et sociétal, avec beaucoup de patience, de précision et de simplicité, dans une veine observatrice qui ne juge ni ne surligne les choses. Les cours de coiffure sont le lieu à la fois concret et symbolique de l’apprentissage de la féminité et du rapport sensuel à l’autre, l’endroit aussi où Solange s’ouvre naturellement au monde parmi des camarades aux origines ethniques diverses. Solange finira par passer à l’acte, sans exaltation ni drame, « normalement », avec un Arabe de passage ne parlant pas français. On sourcille au cliché de « l’amant exotique et inconnu », à une altérité pour le coup sursignifiée, mais on comprend aussi que l’impossibilité de parole et l’éloignement permettent à Solange d’agir (avec sa durée muette, la scène est excellente).
Si ce film sensible et estimable a un défaut, c’est d’être trop timide, trop neutre dans son ton et sa forme, de manquer de la singularité d’une Akerman (versant introversion) ou d’une Breillat (côté extraversion). Les Autres Filles est trop correctement naturaliste, ou naturellement correct, pour emballer vraiment.
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