Presque rien, le film de Lifshitz, est le contraire même de l’insignifiance : sa beauté naît dans la modestie et le retranchement. L’esbroufe ou les assauts transgressifs ne risquent pas d’étouffer ce cinéma qui a choisi de vibrer dans la discrétion, l’humilité et le retranchement. Loyal envers le programme de son titre, Lifshitz assèche sa […]
Presque rien, le film de Lifshitz, est le contraire même de l’insignifiance : sa beauté naît dans la modestie et le retranchement.
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L’esbroufe ou les assauts transgressifs ne risquent pas d’étouffer ce cinéma qui a choisi de vibrer dans la discrétion, l’humilité et le retranchement. Loyal envers le programme de son titre, Lifshitz assèche sa trame, qui tient en trois mots : « boy meets boy », une histoire d’A. qui finira mal sans qu’à aucun moment en soient déterminées les causes de la suspension, un presque rien que l’on aurait tort de réduire à pas grand-chose. Puisqu’un corps s’ennoblit en étant creusé et empli, le récit se doit également d’être ouvert, d’accueillir en ses pores ses propres prolongements narratifs. Saisons et temps de l’histoire s’enchevêtrent, diffractant la diégèse. L’été qui abrite les amours de Mathieu et Cédric ne saurait être infini. Plusieurs phases de perturbation, l’automne de la dépression et de la rupture, l’hiver du deuil, viennent régulièrement assombrir son éclat voluptueux.
Cette distribution en blocs séquentiels génère un éventail d’ellipses qui évide le scénario de toute tentation psychologique et élève indéniablement un film rétif à la prolifération des événements. Pour autant, Lifshitz n’est pas taiwanais et ne fait pas de la durée son beau souci. D’où la pertinence de son association avec Yann Dedet comme monteur : tous deux s’emploient sans atermoiements à décapiter chaque séquence de son acmé attendue, lui déniant le droit de parader, de jouer au paon prétentieux. Dès lors, Presque rien n’est pas de ces films qui s’auréolent de coups de force, de scènes en majesté qui s’ébrouent, sûres de leur puissance, devant notre regard. Son équilibre n’en a nullement besoin, et on assiste ici à ce type d’œuvre rare qui peut se targuer dans sa modestie même de ne se voir entâchée d’aucun plan inutile, faible ou déplacé. Si l’on retrouve les figures déjà en place dans ses deux précédents moyens métrages, au premier rang desquelles le sexe, dont l’intensité crue se pare toujours d’un ludisme de cour de récré, Lifshitz dérive vers des territoires où la violence cesse de s’incarner dans la sarabande des corps pour se larver dans la dépression.
A l’épure des séquences d’hôpital, arrière-plans monochromes et cadrages captifs asphyxiants, Jérémie Elkaïm répond un étonnant portrait de femme se débattant dans les mêmes affres. Absente de ses premiers films, cette incursion dans la psyché féminine propulse du même coup Lifshitz, par l’extraction de la grâce conjuguée de Dominique Reymond et de Marie Matheron, dans le cénacle des très grands directeurs d’acteurs.
Un dernier mot, concernant l’affiche signée Pierre & Gilles : hors sujet une imagerie folle-klorique, ce qui n’a, évidemment, pas lieu d’être.
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