L’incorrigible Hollandais violent propose sa version de L’Homme invisible : saignante et assez prévisible.
Depuis toujours, le vieux thème de l’homme invisible a été un piège à effets spéciaux. En s’y collant à son tour, Paul Verhoeven ne fait pas exception à la règle. Faute de savoir forger un univers poétique à partir de ce thème fécond, comme le fit le pionnier James Whale avec son Homme invisible au final superbe les traces de pas du héros traqué s’imprimant dans la neige , le Hollandais concentre son énergie créatrice dans les effets numériques. Après une exposition assez amusante/sarcastique, on assiste aux étapes classiques qui préludent à la transformation du savant Sebastian Caine, rebelle prométhéen à la Verhoeven, en ectoplasme invisible. D’abord, une entrée en « immatière » très scientiste où Caine, exultant d’avoir réussi un modèle d’assemblage moléculaire ou cellulaire avec son ordinateur, appelle en pleine nuit son adjointe et ex-maîtresse pour lui annoncer sa découverte. Puis on pénètre dans le labo high-tech où des biologistes financés par le Pentagone font des expériences sur l’invisibilité. La première phase du film culmine avec la rematérialisation d’un gorille, puis la dématérialisation d’un humain, Caine lui-même. Clou du spectacle : les métamorphoses du singe et de Caine en écorchés d’un réalisme frappant. Le super cours de sciences nat’ comme si vous y étiez. Une fois passé ce cap, on suit peu ou prou le canevas pessimiste du roman de H.G. Wells : devenu l’homme creux annoncé par le titre américain (Hollow man), Caine déjante, galvanisé par son invisibilité surhumaine. Et comme on est en l’an 2000 et que Verhoeven n’est pas le genre à faire dans la dentelle, le héros choisit évidemment l’option psycho-killer. Ça s’achève en apocalypse sanglante et pyrotechnique, avec un Caine aussi indestructible que Terminator. Bref, le climax habituel des thrillers à gros budget. Verhoeven, qui préfère les Caïn aux Abel, moins féconds sur le plan dramaturgique, reste certes fidèle à ses noires obsessions sur les effets pervers de la science et les néfastes « instincts basiques » de l’homme.
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Mais le problème ici, c’est la désincarnation. Caïn, ou plutôt Caine, est essentiellement virtuel. Et la façon de faire apparaître les contours de son corps avec de l’eau ou de la fumée devient l’unique enjeu technico-esthétique du film. De plus, la dimension érotique du sujet pour être invisible, le héros est toujours nu n’est pas exploitée par le cinéaste, qui assimile mécaniquement la libido du personnage à une pulsion morbide. Pour Verhoeven, sexe = mort.
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