Colère des surveillants, indifférence de la hiérarchie et des architectes. La disparition progressive des miradors – une trentaine prévue pour 2011 – s’inscrit dans un objectif de réduction de postes et une logique carcérale désirant en finir avec la « sécurité passive », l’occupant de la tour de surveillance étant – par définition – immobile.
Une action syndicale rare pour une revendication peu commune. Jeudi 7 avril, protestant contre la suppression prochaine des trois miradors du centre de détention d’Oermingen, environ 80 surveillants ont bloqué l’accès à la prison. La commission, chargée par l’administration pénitentiaire de rendre un audit sur la fermeture des miradors, venait de visiter leurs murs.
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« Les conclusions de la commission nous seront remises cet été, elles sont pour le moment inconnues car en cours de rédaction« , précise Olivier Pedro-Jose, porte-parole adjoint du ministère de la Justice. Mais l’un des trois membres de la dite commission l’a déjà soufflé à l’oreille des syndicats d’Oermingen; leurs miradors feront partie des trente prochains à devoir être supprimés au niveau national.
« Ils doivent appliquer la RGPP (Révision générale des politiques publiques) et gagner ainsi 150 postes de surveillants sur l’année 2011« , assure Eric Schmitt, délégué régional CGT-pénitentiaire. C’est en effet le principal défaut de ces tours de surveillance, occupées 24 h sur 24, qui nécessitent chacune le roulement quotidien de 5 à 7 personnes.
Remplacés par des caméras
Seul endroit dans la prison où les surveillants sont armés et autorisés à mettre en joue, voire à faire feu, le mirador sert à la fois à prévenir d’une attaque extérieure et à empêcher une évasion.
Ces tours au nom espagnol signifiant « point de vue » vont donc être remplacées par des caméras et des « câbles à chocs » (sorte de détecteurs de mouvement en cas d’escalade des murs), le tout relié à un poste d’observation central. « On va perdre le seul moment où l’on sortait un peu des coursives« , anticipe un maton déjà nostalgique.
Céline Verzeletti, secrétaire générale de la CGT pénitentiaire, regrette que l’on passe « comme ça, du jour au lendemain » d’une théorie plaçant le mirador comme « un poste de sécurité sensible » à un « dispositif soi-disant inutile« . Un instructeur de l’Enap, Ecole nationale d’administration pénitentiaire, explique que la mesure correspond à une tendance actuelle.
« Les miradors sont incontestablement chronophages en terme de personnels. Comme ils peuvent désormais être remplacés par la technologie, leur suppression progressive s’inscrit dans la réduction de la ‘sécurité passive’ pour les surveillants qui vont pouvoir se recentrer sur leurs autres prérogatives. »
La surveillance « active » étant entendue comme le déplacement répété des matons dans les coursives (pour les repas, les rondes, les demandes de prisonniers…) bordant les cellules. L’enseignant ajoute qu’un aspect n’est « pas encore » remplacé par la vidéo, « c’est l’interpellation et les tirs éventuels de sommation en cas d’évasion« .
Mais pour Augustin Rosenstiehl, architecte et coauteur du livre sur l’architecture carcérale intitulé Construire l’abolition, les miradors ne constituent en rien un pilier de la sécurité, car « les prisons françaises sont construites sur le modèle du panoptique (structure carcérale imaginée au XVIIIe siècle par le philosophe Jeremy Bentham)« .
« Les surveillants disposent d’un poste central d’observation d’où ils peuvent voir les portes des cellules. La quasi totalité des prisons françaises ont été pensées selon ce principe de l’œil intérieur qui voit tout. Par conséquent, en tant ‘qu’oeil extérieur’, le mirador n’est pas une pièce essentielle de la sécurité. »
Plus que le problème sécuritaire, ce qui gêne le surveillant Eric Schmitt, c’est le sentiment de « ne rien y gagner« . D’après lui, les postes supprimés avec la disparition des miradors ne seront pas transférés sur les coursives où « on manque cruellement de personnel ».
Geoffrey Le Guilcher
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