Acteur de son propre soap opera relayé par la presse en mal de ventes, Sarkozy se retrouve au centre de livres qui le dévoilent. Jusqu’à l’analyse, servie par Franz-Olivier Giesbert.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Sarko sans oser le demander ? Quelques semaines après le livre de Maurice Szafran et Nicolas Domenach, Off (Fayard), c’est au tour de Franz-Olivier Giesbert de publier son « In bed with Nicolas ».
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A coup sûr, le livre flirtera lui aussi avec les cimes des meilleures ventes, et cela grâce à Sarkozy lui-même : organisant son propre storytelling, héros d’un roman cheap qui se décline à coups de feuilleton dans une presse consciente que seule la peopolisation du politique fait vendre, le Président est devenu un personnage qu’on se doit de dévoiler, de comprendre, d’analyser.
Si le duo Szafran-Domenach prenait clairement ses distances vis-à-vis de Sarkozy, le livre tendance psy de Giesbert est plus pervers. D’abord, son titre. M. le Président : nul besoin d’avoir lu tout Lacan pour entendre « Aime le Président ».
Le problème de Sarkozy ? Il n’a pas de surmoi
C’est que Giesbert est affectueux, fasciné, tout lui en plantant quelques fourchettes empoisonnées entre les omoplates. Il raconte ce qu’il a vu, entendu d’édifiant, étant « un journaliste connivent », tout en convoquant toute sa bibliothèque pour l’analyser. Exemple : le problème de Sarkozy, c’est qu’il n’a pas de surmoi (il l’avait délégué un temps à Cécilia) ; ou encore :
« Ce que Chateaubriand observe chez Napoléon, on le constate aussi bien chez Sarkozy : ‘à la fois modèle et copie, personnage réel et acteur représentant ce personnage’, il devient ‘son propre mime. »
Aucun autre moteur chez Sarkozy que son hystérie – zéro conviction, et c’est le plus grave. Démarche certes salutaire que de balancer le off, mais tout est question de méthode. Comment trahir, la conscience tranquille, quand on a invité Nicolas et Cécilia à dîner chez soi en amis pour fêter leur réconciliation ? FOG aurait dû questionner sa démarche plutôt que de nous gratifier de deux pages effarantes sur son amour de la truffe.
Traiter la politique comme un roman psychologique, dévoiler le « vrai » Sarko, bref l’humaniser, a quelque chose de passionnant, le risque étant d’éroder toute capacité d’indignation.
« Il a assuré à des amis communs qu’il allait me ‘détruire' »
Bon, d’accord, Sarkozy « n’a cessé, si j’en crois les gazettes ou ce qui m’est revenu aux oreilles, de harceler le propriétaire du journal où je travaille et mes employeurs de la télévision publique pour qu’ils me virent de toute urgence, sous prétexte que j’étais – je le cite – un ‘rat d’égout’ ou un ‘pervers fétide’. Il a même assuré à des amis communs qu’il allait me ‘détruire’ ou – c’est une de ses expressions favorites – ‘ s’occuper de moi ». Mais après tout, Mitterrand n’avait-il pas « déclenché contre moi un contrôle fiscal (…) » ?
Nous voilà bien rassurés. Au moment du rachat du Monde, Sarkozy était intervenu contre le trio Bergé-Niel-Pigasse (ce dernier est actionnaire majoritaire des Inrockuptibles), convoquant même Xavier Niel à l’Elysée. Finalement, il a échoué. Pourtant, Sarkozy est parvenu à s’assurer le droit de nommer les présidents de France Télévisions et de Radio France. C’était pareil du temps de l’ORTF ?
Bon alors, pourquoi s’en plaindre ? Qu’il rate son coup ou le réussisse, son désir affiché de contrôler les médias devrait en indigner plus d’un. Pas Giesbert. Nicolas Sarkozy, symptôme d’une époque cynique, a peut-être l’auteur qu’il mérite. Et inversement.
Nelly Kaprièlian
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