Parti photographier une cité inhabitée en Mongolie intérieure, le sculpteur français Wilfrid Almendra fut pris pour un espion et inquiété par les autorités.
« Il n’y a aucun héroïsme de ma part dans cette aventure. J’ai juste vécu l’ordinaire d’un régime extrêmement policier », prévient le sculpteur français Wilfrid Almendra, deux jours après son retour de Pékin. « Quand je me suis vu au fin fond de la Chine dans une cellule, sans passeport, sans téléphone ni accès à Internet, j’ai commencé à m’inquiéter. »
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Rappel des faits : Wilfrid Almendra part de Pékin avec un chauffeur pour la ville d’Ordos, douze heures de voiture vers la Mongolie intérieure. « Ordos est une cité incroyable, et c’est ce scénario urbain que je voulais visiter » : une cité de 80 000 habitants, mais surconstruite en six ans pour accueillir bientôt 1,3 million d’habitants, déplacés par le régime communiste chinois depuis l’Est surpeuplé vers cette région minière.
« C’est un paysage étonnant, une cité moderne, onéreuse, plantée en pleine steppe. Mais elle est quasi vide : personne dans les rues ni sur les autoroutes, les hôtels de luxe sont vides. En même temps, c’est une ville-test pour la surveillance. Il n’y a que des policiers et des caméras, j’ai pu m’en rendre compte ! »
L’artiste photographie « à l’instinct, mais d’un oeil averti sur les questions d’urbanisme ». Comme le ferait un touriste. « Sauf qu’il n’y a pas de touristes à Ordos et que j’étais le seul blanc. Aisément repérable en somme. »
Soupçonneuse, la police chinoise fait des descentes à son hôtel, à minuit, 2 heures, puis 6 heures du matin pour vérification de passeport. Deux gardes sont postés devant sa porte. « Plus tard, les gardes sont partis et j’ai changé d’hôtel pour envoyer un mail à ma soeur, histoire de prévenir. »
Cinq heures d’interrogatoire
Interpellé dans son nouvel hôtel, l’artiste est placé en garde à vue et soumis à un interrogatoire de cinq heures devant une vingtaine de gradés. Le tout en chinois, et d’abord sans traducteur.
« Ils m’ont pris pour un espion, puis pour un journaliste. Ils ont regardé les films et les photos, et les trouvaient visiblement belles. Enfin, quand ils sont allés voir sur le net que j’étais vraiment artiste, l’atmosphère s’est détendue. Deux gardes m’ont ramené à l’hôtel, ont confisqué mes images et m’ont recommandé de partir avec mon chauffeur qui a lui aussi été inquiété. Sur la route, une voiture nous a suivis pendant quatre heures. »
La Chine, qui se dit férue d’art contemporain et qui offrait son plus beau visage lors de l’Exposition universelle de Shanghaï, a pourtant mis à sac l’atelier de l’artiste contestataire Ai Weiwei, après l’avoir intercepté le 3 avril à l’aéroport de Pékin pour « crimes économiques ». Wilfrid Almendra a au moins la chance de ne pas être chinois.
Jean-Max Colard
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