Sur fond de ruralité frémissante, Christophe Lamotte réussit un film sensible et fort autour des thèmes du retour, du secret et de la famille. Nul ne saurait ignorer la part hasardeuse et péremptoire inhérente à l’esquisse d’une vague de nouveaux cinéastes français. Gardons-nous donc de publier les bancs mais admettons la pertinence, affermie à mesure […]
Sur fond de ruralité frémissante, Christophe Lamotte réussit un film sensible et fort autour des thèmes du retour, du secret et de la famille.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Nul ne saurait ignorer la part hasardeuse et péremptoire inhérente à l’esquisse d’une vague de nouveaux cinéastes français. Gardons-nous donc de publier les bancs mais admettons la pertinence, affermie à mesure que s’écoule les cinquante-six minutes d’Un possible amour, d’une parentèle Laurent Achard/Hélène Angel/Christophe Lamotte, tous trois mus par un refus patent de la psychologie, une inclination à un lyrisme empreint de rugosité, un retour à une ruralité délaissée et la volonté de fondre les corps à la nature, filmer du même souffle arbres et hommes. Comme Plus qu’hier, moins que demain ou Peau d’homme, cœur de bête, ce premier film s’ouvre sur un retour au pays, à la maison. Après quatre années passées en prison, Fabienne entreprend de se reconstruire, de réaffirmer sa position dans un monde neuf. Cette reconquête de l’intimité passe par une succession de gestes simples et solitaires (marcher, rouler, nager, danser) que le cinéaste filme patiemment, presque à tâtons, comme si cet éveil était également le sien : se confronter au plan et à la durée, appréhender l’espace, capter lumière et épidermes, autant de gammes à aligner, de tons à disposer sur sa palette avant d’inscrire son personnage dans un théâtre propice à la révélation des affects. Fabienne a rencontré un homme, André, et le rejoint dans la ferme familiale. Une ébauche d’harmonie s’installe, vite contrariée par la réapparition du frère d’André, comme elle porteur d’ombre et de secrets. Entre les deux hommes les tensions s’exacerbent, l’affrontement sourd, attisé par la charge érotique que dispense la jeune femme et par l’exsudation de son passé homicide. Dix années après Peaux de vache de Patricia Mazuy, la France se proclamerait-elle l’autre pays du western ? Les incursions dans le genre, opérées récemment chez Ramos ou Angel, s’accomplissent ici pleinement : règlement de comptes dans le corral, emballement conjoint des chevaux et de la mise en scène (magnifique séquence de l’écurie plongée dans un maelström hennissant), quotidien d’un ranch sous la coupe d’une Bernadette Laffont tout de noir vêtue, carbone de Joan Crawford dans Johnny Guitar. S’il emprunte parfois à Nicholas Ray, Lamotte tient aussi à payer son tribut à Jean Eustache dont le spectre plane sans pour autant asphyxier le film. Plus que la présence dissociée de Bernadette Laffont et de Françoise Lebrun au timbre de voix toujours aussi bouleversant , c’est le long aveu cathartique de son crime par Fabienne, écho troublant au monologue de Veronicka, qui rend le plus digne hommage au père de La Maman et la Putain. Et révèle une comédienne subtile et sensible, Aurélia Petit, une promesse enchâssée dans une autre, délivrée par un cinéaste déjà terriblement proche de nous.
{"type":"Banniere-Basse"}