Un groupe d’amis sur plusieurs décennies. Terne au début, 30 ans se bonifie au fur et à mesure que ses personnages se densifient à l’épreuve du temps. Dix ans, des lustres, peu ou prou la suspension, injustement étirée, qui s’est insérée entre le précédent film de Laurent Perrin Sushi sushi, juin 91 et […]
Un groupe d’amis sur plusieurs décennies. Terne au début, 30 ans se bonifie au fur et à mesure que ses personnages se densifient à l’épreuve du temps.
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Dix ans, des lustres, peu ou prou la suspension, injustement étirée, qui s’est insérée entre le précédent film de Laurent Perrin Sushi sushi, juin 91 et ce retour attendu. Dix ans de séparation, telle qu’éprouvée déjà par Julie et Jean, les amants de Buisson ardent, dix ans de hiatus entre chacune des trois parties du présent opus, pari romanesque, saga articulée autour du théâtre, de l’amour enfui et de l’écoulement du temps. De l’éveil de la vocation artistique et militante à la reconnaissance qui vient effacer doutes et compromissions, le parcours professionnel d’Aurélien se scande en trois stations, 1974, 1982 et 1995. Sa destinée sentimentale emprunte des voies parallèles, jusqu’au solde des illusions et un tombé de rideau ourlé d’incertitudes. 30 ans est en phase avec la trajectoire d’Aurélien : ambitieux mais naïf et maladroit lors de ses premiers pas, indécis en son mitan, accompli, épuré et digne à son point d’arrivée, le film se construit et s’ordonne patiemment, se délestant progressivement de ses impuretés pour suivre une courbe de qualité exponentielle. L’acte 74 présentait le double écueil de la reconstitution historique et de la multiplicité des personnages. Pour contourner le premier, Laurent Perrin se devait d’évincer toute surcharge. Il n’y parvient qu’à moitié et sa mise en scène aurait gagné à tendre davantage vers le minimalisme abstrait. De même, à vouloir embrasser d’entrée trop de caractères, il encourait le risque, malheureusement pas toujours évité, d’une dilution des enjeux. Plus judicieusement, 82 se recentre sur Aurélien et parvient à trouver le juste équilibre entre spectacle, nostalgie et affres de l’introspection. Ce tiraillement se cristallise autour des errements créatifs d’Aurélien, sommé de répondre à la commande impersonnelle (Labiche à la sauce Grand Magic Circus) alors que sa foi en un public ouvert et exigeant lui dicte de monter des pièces de Michel Vinaver. Dissident il va sans dire, il fera le choix de l’intégrité et d’une certaine austérité pour, en 95, s’incarner en un metteur en scène calqué sur le modèle d’un Claude Regy ou d’un Alain Françon. Perrin le suit alors dans ses options et offre un troisième volet qui se déploie dans la retenue et l’assèchement, où la monochrome sobriété du filmage qu’on jugeait jusqu’ici trop timoré se justifie alors totalement. Enrichis du poids de leur histoire enfouie, les personnages ont gagné en étoffe et se voient magnifiés par le jeu de comédiens tous également impeccables. L’entrée en scène du fils (au géniteur incertain) de Jeanne/Anne Brochet inscrit le film, sans qu’il ait à pâlir de la comparaison, dans cet univers où Demy fut souverain, et le goût de cendre laissé par les dernières scènes entérine ce présupposé : Laurent Perrin nous manquait, ne le laissons plus s’absenter.
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