Durant l’éclipse de 1999, des agriculteurs normands observés par la caméra attentive mais un peu neutre d’Ariane Doublet. Un monde ordinaire dans un contexte extraordinaire : la vie d’un petit groupe de paysans normands au moment du grand événement déjà bien oublié de l’avant an 2000, la tant annoncée et commentée éclipse totale […]
Durant l’éclipse de 1999, des agriculteurs normands observés par la caméra attentive mais un peu neutre d’Ariane Doublet.
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Un monde ordinaire dans un contexte extraordinaire : la vie d’un petit groupe de paysans normands au moment du grand événement déjà bien oublié de l’avant an 2000, la tant annoncée et commentée éclipse totale du soleil. L’action se déroule à Vattetot-sur-Mer, village de Seine-Maritime comptant à peine trois exploitations agricoles. On passe des uns aux autres, des individus parlant de leur travail quotidien, à la collectivité municipale en pleins préparatifs liés au phénomène naturel qui va drainer badauds et touristes la région se trouve dans la bande où le soleil est le mieux occulté.
La partie formidable du film est celle où l’on entre au cœur du microcosme, chez les agriculteurs, qui s’expriment avec candeur sur leurs particularismes, sur leur métier en voie de disparition. Ces derniers des Mohicans qui disparaissent un à un sont réjouissants dans la mesure où, bien que vivant à 200 kilomètres de la capitale, ils ont conservé une culture, un langage, un accent marqué qui en font de savoureux trésors pour les citadins aseptisés, citoyens du monde informe de la communication. « Quand on se promène en ville, on voit bien qu’on est des paysans. On marche pas comme les gens de la ville », remarque fort justement le jovial et truculent Philippe, qui eût mérité un film entier.
Certes, on frôle parfois le pittoresque, notamment lorsqu’on interroge un autochtone sur le temps qu’il va faire. On sait bien que les paysans sont des baromètres ambulants… Mais Ariane Doublet glisse sur ces clichés et met l’accent sur les souvenirs, sur le travail proprement dit, les techniques agricoles.
On regrette seulement que le film soit aussi éclaté, que le souci d’exhaustivité de la cinéaste l’empêche de s’attarder sur un personnage, la contraigne à égrener les vignettes à la queue leu leu. En passant aux activités communales, plus anecdotiques et circonstancielles, on perd de vue la spécificité locale pour tomber dans l’événementiel (l’éclipse, toujours l’éclipse).La pesanteur terrienne est peu à peu délaissée au profit des considérations médiaticosmiques nous, les touristes, la radio, la télé, la terre, le ciel, la Lune, le Soleil. Ce point de vue universel sur la communauté villageoise, puis sur les terriens confrontés aux caprices du cosmos, finit par équivaloir à pas de point de vue du tout.
Comme beaucoup de documentaristes, Ariane Doublet se contente d’enregistrer quelques bribes de réel sans grille de lecture préalable (ni postérieure), puis de les dispatcher méthodiquement lors du montage, avec une absolue neutralité. D’où un film plaisant, mais trop poli(cé).
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