Tradition estivale oblige, les sorties de films se ramassent à la pelleteuse, les daubes aussi. Sous ce déversoir de navets et de fonds de tiroirs, tomber sur un film comme L’Ame sœur équivaut à dénicher la proverbiale oasis dans le désert de la soif. Léopard d’or au Festival de Locarno 85, le film de Fredi […]
Tradition estivale oblige, les sorties de films se ramassent à la pelleteuse, les daubes aussi. Sous ce déversoir de navets et de fonds de tiroirs, tomber sur un film comme L’Ame sœur équivaut à dénicher la proverbiale oasis dans le désert de la soif. Léopard d’or au Festival de Locarno 85, le film de Fredi M. Murer scrute la vie quotidienne d’une famille helvète dans une ferme isolée au milieu des alpages. Le père et la mère sont de rudes paysans, la fille aînée ne peut accomplir sa vocation d’institutrice car elle doit aider son frère sourd-muet qui n’est pas scolarisé. Murer filme les tâches quotidiennes de la ferme, les repas, les jeux et chamailleries de la famille avec une grande précision, une attention intense. Cette rigueur laconique et quasi documentaire contraste avec la splendeur grandiose des paysages alpins et avec la qualité picturale de la lumière, notamment dans les scènes d’intérieur. Le film est à la fois sobre et stylisé, lyrique et sec, matériel et métaphysique. Lentement, tranquillement, un drame se noue. L’éveil de la sexualité des deux adolescents combiné à leur isolement montagnard les amène à se rapprocher charnellement, transgression effectuée dans la proximité d’un patriarche attaché aux traditions (euphémisme). Il y a un os dans la raclette, du vitriol dans le génépi… Consanguinité, isolement, fusion des hommes et de la nature sous un ciel immense : ce film pourrait être lu comme un regard très critique sur une certaine Suisse, pays qui n’oublie pas qu’il est muré en ses hauts et hautains reliefs. En extrapolant un brin, on s’autoriserait même à voir là le paradigme possible d’une jeunesse fasciste. Pourtant, si Murer élève son regard, il n’élève jamais le ton, ne transforme ses personnages ni en héros ni en êtres méprisables, filme tout et tous (personnes, objets, animaux…) avec la même intensité. Le père sévère et brutal, la femme bonne épouse et bonne mère sont vraiment et honnêtement regardés, même si l’on devine que le cinéaste est plutôt du côté des enfants et de la révolte contre un ordre immuable.
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