Séparé des Rascals et échappé des Last Shadow Puppets, le Liverpuldien s’essaie en solo avec un premier album entre pop sixties et rock musclés, Colour Of The Trap, attendu pour le 9 mai. Rencontre à Liverpool, avant un concert au Printemps de Bourges le 24 avril.
Qu’est-ce qui t’as fait prendre une guitare pour la première fois ?
Ma tante. Elle m’a acheté une guitare acoustique quand j’avais treize ans. Mon cousin en avait une et je jouais tout le temps dessus donc elle a fini par m’en offrir une pour Noël. Je jouais déjà du saxophone à l’école, mais j’avais très envie d’essayer la guitare.
Etais-tu ce genre de gamin obsédé de musique quand tu étais plus jeune ?
Totalement. Certains gosses passent leur temps à lire des livres, moi je le passais à écouter des disques. Tout ce que j’ai appris enfant, je l’ai appris en écoutant de la musique. J’avais plusieurs obsessions ado, comme Lee Hazlewood. En ce moment, c’est Jacques Dutronc. Il est absolument génial, j’adore son style. Ma mère est une immense fan de la Motown, donc j’ai aussi grandi avec ces disques là. Ceux de The Four Tops étaient tout le temps sur les platines, surtout leur chanson 7 Rooms Of Gloom qui passait en boucle chez moi. C’est probablement une des meilleures chansons que j’ai écouté de toute ma vie. Et puis il y avait aussi Beatles bien sûr…
Comment est née l’idée de te lancer en solo ?
J’ai été en tournée pendant presque trois ans au total, et quand je suis enfin revenu à la vie réelle, je ne savais plus vraiment quoi faire. Fallait-il refaire un album avec les Puppets ? Recommencer avec les Rascals qui avaient splitté ? J’avais un gros problème de confiance en moi. J’ai toujours travaillé avec mes meilleurs potes, que ce soit Alex ou les garçons des Rascals. J’ai toujours fait parti d’un gang et c’était dur de prendre la décision de faire quelque chose tout seul. J’en avais profondément envie cependant : être moi-même, me lever et montrer aux gens ce que j’étais capable de faire seul. J’ai mis du temps pour écrire les titres de cet album et retrouver une certaine confiance en moi, mais aujourd’hui, je me sens capable de tenir seul ce projet. Je suis très heureux de l’avoir fait et j’ai hâte de remonter sur scène. Les concerts sont ce que je préfère, ça me manque terriblement.
Etre seul aux commandes te fait peur ?
Je ne suis pas vraiment seul. J’ai un groupe avec moi sur scène. Même lorsqu’il a s’agit d’écrire seul, ça ne m’a pas angoissé. Je me suis simplement dit « ce n’est que du putain de rock’n’roll pour danser ! ».
Quand as-tu commencé à écrire cet album ?
Il y a deux ans environ. J’écrivais de temps en temps. Certaines chansons sont restées, d’autres non. J’ai fait beaucoup de démos que j’ai modifiées par la suite. La chanson Rearrange par exemple est un patchwork de démos que j’avais enregistrées mais qui ne me plaisaient pas telles quelles. J’ai pris le riff d’un titre, le refrain d’un autre et des paroles d’un troisième. Je n’avais jamais fait ça avant, c’était très libérateur et surtout très marrant, comme si je jouais à Tétris avec mes morceaux.
Comment s’est passé l’enregistrement ?
J’ai enregistré l’album en plusieurs fois. J’ai d’abord travaillé avec Gruff Rhys des Super Furry Animals au Konk studio, le studio des Kinks à Londres. On a enregistré les titres Kingcrawler et Take The Night From Me là-bas. Je ne le remercierais jamais assez de m’avoir aidé car il m’a donné confiance en moi. C’est le premier à m’avoir dit que mes chansons sonnaient bien. Après cette session, je suis entré en studio avec Dan Carey, qui a produit le reste de l’album, puis je suis parti à Los Angeles où j’ai mixé le premier single et quatre autres titres avec Dan The Automator.
Dans quel état d’esprit étais-tu as ce moment-là ?
L’enregistrement était la partie la plus facile du processus je crois car les chansons étaient déjà là, il suffisait de les jouer. On est resté en studio qu’un mois et demi.
Comment as-tu rencontré Gruff Rhys ?
Je l’ai rencontré au Mercury Awards à Londres, l’année où Alex et moi étions en lice pour une récompense avec Last Shadow Puppets. Nous avons discuté et bu quelques verres. Je lui ai dit que j’étais un grand fan de sa musique et que j’adorerais travailler avec lui un jour. Des mois plus tard, je lui ai envoyé les premières démos que j’avais enregistrées et il a accepté de venir m’aider. Il est venu quelque fois à Liverpool où l’on a enregistré d’autres démos. Je suis aussi allé le voir plusieurs fois. Les choses se sont faites toutes seules. J’aimerais beaucoup retravailler avec lui, il a une aura incroyable.
Qu’a-t-il apporté à l’album selon toi ?
D’un point de vue personnel, de la confiance en moi. Pour ce qui est de l’album, il a participé à plusieurs chansons. Il chante sur certaines par exemple. Même si nous n’avons enregistré que quelques morceaux ensemble, je crois que sa présence m’a énormément aidée et influencée. Il m’a fait la courte échelle pour arriver à atteindre ce que je voulais. Je ne sais même pas comment mettre des mots sur cela (rires). Il est juste génial, putain de génial (rires) !
Et Dan Carey ?
Dan a travaillé avec Franz Ferdinand, autant te dire qu’il sait ce qu’il fait ! Il a joué toutes les lignes de basse de l’album et a fait venir un batteur qu’il connaissait pour qu’on puisse enregistrer tous les trois en studio. Ce qui était génial avec lui, c’est qu’il a tout de suite compris que je voulais un son à la fois moderne et proche de la pop des années soixante et soixante-dix. Il a réussi à donner cette couleur à mes chansons, à les relier au passé tout en leur offrant un aspect neuf, comme sur Rearrange et Come Closer notamment. Colour Of The Trap n’est pas un album sixties, mais il ne serait pas ce qu’il est sans la musique de cette époque.
Alex Turner t’a aussi donné un coup de main paraît-il ?
Alex est comme un frangin pour moi. Quand je lui ai fait écouter mes premières démos, je vais être honnête, j’étais un peu perdu. Je ne savais pas quoi en faire, j’étais bloqué. Alex m’a alors aidé à remanier certains morceaux, comme pour Rearrange dont je te parlais tout à l’heure. J’aurais certainement pu m’en sortir tout seul, mais d’avoir mon pote à mes côtés a rendu les choses plus faciles. C’était rassurant d’avoir du renfort comme Alex ou Gruff.
Ou Noel Gallager ?
Ça, c’est encore un truc que la presse a monté en épingle (rires) ! Noel n’a fait que des chœurs sur My Fantasy. Nous étions en train de mixer l’album et il est passé prendre un café un après-midi. J’allais faire les chœurs et il m’a dit « je vais les faire », c’est tout.
Tu as travaillé avec lui pour son album solo d’ailleurs ?
(Miles éclate de rire) Je ne peux pas te dire ce que j’ai fait avec lui, désolé.
Que représente-t-il pour toi ?
C’est Noel Gallager (rires) ! Je le connais très peu finalement, ce n’est pas comme si nous allions dîner ensemble trois fois par semaine. Je respecte simplement sa musique, et on a beaucoup de goûts en commun.
Il y a beaucoup de monde sur cet album solo, tu ne trouves pas ?
Oui, mais je crois que ça ne s’entend pas. Cet album me ressemble profondément, peu importe qui y a participé ou qui l’a produit. Je savais exactement quelle direction je voulais prendre avant même de savoir avec quel producteur j’allais travailler. Gruff ou Dan ont apporté quelque chose de plus à l’album, bien sûr, mais j’avais une idée très claire de ce à quoi je voulais qu’il ressemble avant qu’ils apportent leurs suggestions. J’ai peut-être simplement eu de la chance de tomber sur des gens qui avait les mêmes idées que moi.
Colour Of The Trap semble être à cheval entre de la pop très mélodique, parfois teintée de soul, et du rock plus costaud. Tu avais envie de jouer aux montagnes russes sur cet album ?
J’ai mis toutes les influences de ce que j’ai écouté au court de ma vie dans cet album, c’est pour cela qu’il fait parfois le grand écart entre des chansons pop calmes et du rock plus puissant. Quicksand par exemple est très pop, très facile, elle fonctionne instantanément, alors que My Fantasy ou Kingcrawler sont moins immédiates. Je n’ai pas la même voix sur Inhaler, qui est assez musclée, que sur Colour Of The Trap, que je chante avec un timbre bien plus doux que d’habitude. J’avais envie que cet album soit plein de petites niches différentes.
Tu parles de la simplicité de Quicksand – est-ce que ce n’est pas ça aussi la pop : des chansons catchy, immédiates qui parlent de filles et les font danser ?
Complètement ! Ecrire des paroles simples en évitant l’écueil « I love you » est parfois bien plus difficile qu’il n’y paraît. C’est ce que j’ai essayé de faire sur cet album : des popsongs de trois minutes qui fonctionnent tout de suite.
Faire un album solo après avoir joué plusieurs années avec un groupe puis avec Last Shadow Puppets était une façon de t’affirmer ?
Soyons honnête : la plupart des gens ne me connaissent que grâce aux Last Shadow Puppets, et beaucoup pensent que je surfe sur le succès d’Alex. J’avais envie de montrer qu’avec ou sans lui, je suis capable d’écrire des chansons, de les chanter et de faire un album.
Tu n’as que vingt-quatre ans, tu as déjà fait un album avec les Rascals, un avec Last Shadow Puppets, un tout seul et des tonnes de concerts… Ca ne te fait pas peur d’avoir déjà fait tout ça si jeune ?
Non, ça fait longtemps que j’ai commencé, cette évolution est plutôt logique. Je vais continuer à travailler dur et j’espère bien sortir encore plein d’albums avec autant de sincérité qu’avant.
C’est un peu une manie à Liverpool, non ?
(Rires) On me demande tout le temps si le fait de venir de Liverpool m’a influencé dans mes choix musicaux, ou même dans celui d’avoir monté un groupe et eu envie de faire de la musique. Je crois que c’est impossible à expliquer : c’est quelque chose que j’ai en moi.