Grâce au succès de Kirikou, on ressort des tiroirs les contes animés de Michel Ocelot qui ne sont qu’épure visuelle, poésie et intelligence. Quelques repères à l’attention des grands ou des distraits qui n’auraient pas bien suivi les aventures de Michel Ocelot. En 1998, cet auteur-graphiste-animateur travaillant depuis plus de vingt ans sortait son premier […]
Grâce au succès de Kirikou, on ressort des tiroirs les contes animés de Michel Ocelot qui ne sont qu’épure visuelle, poésie et intelligence.
Quelques repères à l’attention des grands ou des distraits qui n’auraient pas bien suivi les aventures de Michel Ocelot. En 1998, cet auteur-graphiste-animateur travaillant depuis plus de vingt ans sortait son premier long métrage, Kirikou et la sorcière. Bingo ! Kirikou raflait une flopée de prix dont la liste est plus longue qu’une phrase de Proust et s’honorait d’un large succès populaire et international, auprès des petits et de leurs parents. Fort de ce triomphe, Ocelot peut aujourd’hui sortir en salles Princes et princesses, une série de petits contes réalisés en 89 et refusés à l’époque par les chaînes de télévision. On s’étonne du refus des télés, ou plutôt, on ne s’en étonne guère, vu le niveau de poésie, d’épure stylistique et d’intelligence voyageuse de cette série, toutes choses peu aptes à séduire des gens qui ont une courbe audimat greffée à la place du cerveau le carton de Kirikou prouvant qu’ils ont eu tort aussi d’un strict point de vue commercial.
Venons-en à l’essentiel, soit six contes, situés dans six époques ou pays différents. Pour relier et lancer chaque épisode, Ocelot a imaginé une modeste et ludique mise en abyme de son métier : deux enfants et un vieux technicien réunis dans un théâtre désert, qui inventent, créent et jouent les histoires qui nous sont ensuite contées. Et quelles histoires ! Une princesse tenue par une malédiction ne peut être délivrée que par celui qui trouvera une certain nombre de diamants en un temps compté par un sablier ; une sorcière extermine tous ceux qui tentent de pénétrer dans son château, alors qu’il suffirait peut-être simplement d’être poli avec elle ; une vieille dame se fait attaquer par un malfaiteur qui veut lui voler son manteau, mais la mémé est plus retorse et moins fragile qu’on ne le pense… Des mélodrames simplifiés, des tragédies modèle réduit, des contes moraux dépouillés, parfois basés sur de vieilles légendes égyptiennes ou japonaises qui font voyager. Et comme tous les contes, ceux-ci contiennent une morale, mais une morale tramée dans l’histoire, jamais assénée à coups de règle : à tous niveaux, Princes et princesses ne prend pas ses spectateurs (quel que soit leur âge) pour des niais. A la fois par choix et manque de moyens, le style visuel d’Ocelot est fondé sur l’ombre chinoise et le dépouillement, principes qui le rapprochent des grands cinéastes de la sobriété et de la frontalité. Deux coups de crayons suffisent à évoquer le Japon, l’Egypte ou le Moyen Age, à faire d’Ocelot un artiste rohmérien. Voilà une heure et quelque de divertissement subtil.