La captation d’une pièce de Marivaux réussie grâce à la magie du texte et au jeu tout en rapidité d’acteurs singuliers. Où Jacquot devient un peu Guitry. Curieux objet que cette Fausse suivante sans afféterie, née du désir conjoint de Sandrine Kiberlain, d’Isabelle Huppert et de Benoît Jacquot de “sauter à pieds joints” dans la […]
La captation d’une pièce de Marivaux réussie grâce à la magie du texte et au jeu tout en rapidité d’acteurs singuliers. Où Jacquot devient un peu Guitry.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Curieux objet que cette Fausse suivante sans afféterie, née du désir conjoint de Sandrine Kiberlain, d’Isabelle Huppert et de Benoît Jacquot de « sauter à pieds joints » dans la pièce de Marivaux, à l’impromptu. Pari réussi, puisque le désir et l’impatience qui ont présidé à sa genèse sont visibles, grâce à une mise en scène minimaliste, rudimentaire, mais sans académisme ni ostentation.
Dans un théâtre à l’italienne, la pièce se joue entre la salle vide, la scène nue et les coulisses avec leurs extincteurs. Sandrine Kiberlain pose un tricorne sur sa tête : la voilà chevalier. Une lanterne s’allume dans le noir, elle éclaire les visages et les fauteuils rouges, le grain du film est gros, le son parfois hasardeux. La caméra va pourtant peu à peu unifier ces éléments, réunir les acteurs en plans moyens, les opposer en champs/contrechamps abrupts, les isoler en gros plans lorsqu’ils monologuent ou jouent l’aparté.
La magie naît du texte de Marivaux, comme dit dans un souffle et sans rumination par des acteurs singuliers mais rompus au jeu, tout en rapidité : un échange verbal enlevé ou ému, des regards glissés, une pirouette, une petite ponctuation musicale et hop, voici déjà l’acte suivant.
Les acteurs, parlons-en, puisqu’il ne s’agit que d’eux et de leur personnage : Huppert est une comtesse fragile, Kiberlain un chevalier sensuel, Amalric un Lelio dandy et fatigué, Arditi qui, avec le temps, gagne en épaisseur dans tous les sens du terme, et ça lui va très bien est un Trivelin surprenant, mélange subtil d’aventurier à la Stevenson et de domestique à la Guitry.
C’est peut-être justement et étrangement aux films de Guitry qu’on pense le plus. Car si certains verront dans ce modeste ouvrage un film de commande expédié et sans imagination, je mets pour ma part ces caractéristiques à son crédit. Il émane de ce « petit » film un charme distinct : celui du présent. Le temps donnera sans doute une patine à ce qui semble n’être aujourd’hui qu’un banal enregistrement du réel. La momification, disait l’autre… Alors anodine, cette Fausse suivante ? Non, le film d’un réalisateur et de comédiens qui croient au cinéma.
{"type":"Banniere-Basse"}