Geek parano et mégalo ou héros de la liberté d’expression? L’autobiographie du créateur de WikiLeaks, entourée du plus grand mystère, permettra peut-être d’y voir plus clair.
Secret-défense. Pas un mot ne doit filtrer au sujet de l’autobiographie de Julian Assange, héros du roman-réalité le plus haletant de ces dernières années. Son livre est en tout cas bien mieux protégé que les câbles diplomatiques des ambassades américaines diffusés par WikiLeaks, le site fondé et incarné par Assange. La moindre fuite concernant ses mémoires aurait quelque chose d’un peu trop ironique.
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C’est pourtant un tweet indiscret de l’éditeur espagnol Claudio Lopez qui a annoncé, en décembre dernier, le contrat signé par Assange avec les éditions anglaises Canongate. Depuis ce petit loupé de com, c’est silence radio ou presque. On sait seulement que l’Australien a empoché plus d’un million d’euros pour écrire ce livre, d’ores et déjà vendu comme « très personnel » (en même temps, c’est une autobiographie…) et que l’argent est destiné à payer ses faramineux frais de justice – son procès pour une affaire de viol présumé lui aurait déjà coûté 235 000 euros – et à remettre WikiLeaks à flot.
Personne n’en a encore lu la moindre ligne
D’abord programmée en avril, la sortie mondiale du livre, annoncé sous le titre accrocheur et très twilightien Révélations (WikiLeaks Versus the World – My Story, en VO), est prévue pour la mi-juin. Assange y travaillerait toujours dans le manoir anglais où il est assigné à résidence. Pour l’heure, personne n’en a lu la moindre ligne. Pas même ses éditeurs. Rien d’anormal d’après Leonello Brandolini, le pdg des éditions Robert Laffont qui ont acquis les droits pour la France. Même son de cloche du côté des éditeurs espagnol ou danois.
En effet, acquérir les droits d’un livre sur le seul nom de son auteur est une pratique courante. Cela se fait beaucoup pour les politiques ou les people. On mise sur l’aura ou l’actualité d’une personnalité, quitte à prendre un risque. Mais Assange n’est pas un énième candidat à la primaire socialiste, ni la première starlette venue. A l’origine d’une révolution médiatique majeure, l’obscur hacker devenu l’ennemi public numéro un est énigmatique, ambigu et fascinant. En un mot : romanesque.
Assange, une personnalité qui demeure opaque
Malgré les nombreux livres parus à son sujet, le héraut de la transparence demeure opaque. Dans Inside Wikileaks – Dans les coulisses du site internet le plus dangereux du monde, paru en février, Daniel Domscheit-Berg, son ancien collaborateur, présente Assange comme un mégalomane parano et avide de pouvoir. Journaliste au Guardian, auteur avec Luke Harding d’un livre sur Assange (La Fin du secret – Julian Assange et la face cachée de WikiLeaks), David Leigh évoque lui aussi un manipulateur peu fiable :
« Ses mémoires seront sans doute une oeuvre de pure fiction destinée à servir ses intérêts et son image. Si du moins, il les achève un jour. »
Figure machiavélique, type Vautrin, ou héros romantique ? Olivier Frébourg, à la tête des Editions des Equateurs qui viennent de publier en français Underground, premier livre d’Assange sorti en 1997, voit plutôt en lui un personnage flaubertien, une sorte de Frédéric Moreau 2.0 mû par une volonté de revanche sur une enfance malheureuse. Quant à Assange, il aime se comparer à Tom Sawyer lorsqu’il évoque sa jeunesse dans une ferme… Une certaine image de l’innocence qui contraste avec sa récente décision de déposer son nom comme marque commerciale. On se demande alors si son autobiographie ne sera qu’un simple produit dérivé ou un livre à la hauteur de la légende qui l’entoure.
Elizabeth Philippe
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