Gouttes d’eau sur pierresEn taillant au cordeau une pièce de Fassbinder, François Ozon fait rentrer un jardin à la française dans une boîte d’allumettes. Délicieusement étouffant. Gouttes d’eau…, c’est d’abord un chef-d’œuvre déco. Le soin apporté à la reconstitution d’un appartement bourgeois en Allemagne de l’Ouest au début des années 70 constitue la plus grande […]
Gouttes d’eau sur pierresEn taillant au cordeau une pièce de Fassbinder, François Ozon fait rentrer un jardin à la française dans une boîte d’allumettes. Délicieusement étouffant. Gouttes d’eau…, c’est d’abord un chef-d’œuvre déco. Le soin apporté à la reconstitution d’un appartement bourgeois en Allemagne de l’Ouest au début des années 70 constitue la plus grande réussite du film. On s’y croirait. On devine avec quelle fièvre fétichiste François Ozon a choisi chaque couleur, chaque meuble, chaque bibelot, jusqu’aux bouclettes de la moquette. Une soif du détail qu’on retrouve dans le choix des costumes : le col roulé en banlon blanc ou le blouson en skaï noir repéré dans tel ou tel film de Fassbinder. Et les éclairages, chauds, feutrés, tout en clair-obscur… T’es pas tombé dans un trip folle déco, là ? Pas du tout. En adaptant une pièce un peu ampoulée que Fassbinder avait écrite à 19 ans, François Ozon s’est approprié un texte qu’il a traduit, modifiant tel personnage, taillant de-ci de-là pour en dégager l’essentiel, une fable grinçante sur le désir pris au piège de la vie domestique. Et Ozon a eu l’excellente idée d’entrer dans l’univers étouffant de Fassbinder par effraction, via un salon bourgeois impeccablement reconstitué. Parfait pour résumer la mécanique du désir selon Fassbinder : une opération de domestication. D’abord de la séduction, ensuite de l’attachement, ça se noue et on glisse de l’attachement à la domination, puis de la possession à la manipulation jusqu’à la destruction. En quatre actes, entre quatre murs d’un décor kitsch BCBG ouest-allemand, entre quatre personnages, François Ozon restitue ce sentiment d’étouffement progressif avec la perfection d’un catalogue Manufrance circa 1973.
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