Eloge de la lenteur et de la démarche aérienne, Ghost Dog est aussi référencé que zen. C’est également un beau portrait du cinéaste en chien fantôme. Le cinéma de Jarmusch cherchait depuis longtemps à briser son statisme, en apprenant à conduire (Stranger than Paradise), en s’évadant (Down by Law), en voyageant (Mystery Train) en […]
Eloge de la lenteur et de la démarche aérienne, Ghost Dog est aussi référencé que zen. C’est également un beau portrait du cinéaste
en chien fantôme.
Le cinéma de Jarmusch cherchait depuis longtemps à briser son statisme, en apprenant
à conduire (Stranger than Paradise), en s’évadant (Down by Law), en voyageant (Mystery Train)
en taxi (Night on Earth), en train ou en barque (Dead Man) , et même en tournant en van avec
un bataillon de quinquagénaires électriques
(Year of the Horse, sur Neil Young et Crazy Horse). Avec Ghost Dog, il apprend enfin à marcher, sur terre. Et pendant une bonne heure, fasciné, on en oublierait presque toute cette histoire de hip-hop old-school et d’héritage samouraï, de tueur à gages
mystique poursuivi par ses anciens employeurs
de la mafia, des Ritals burlesques, ventripotents
et cacochymes, pour ne plus voir que ça : un gros Bébé Cadum noir, une dinde, un nounours
de 130 kilos qui bat la ville comme s’il avait
deux plumes dans le dos. A la fois aérien et obèse. Ce film a l’élégance de sa démarche.
Après, pour ce qui est de tenir la distance, tout
est dans le souffle. Et là, Jarmusch a sans doute choisi Forest Whitaker en se souvenant l’avoir
vu souffler dans le cornet du Bird de Clint Eastwood, et l’avoir jugé acteur à la respiration suffisamment inventive. Car si, avec Dead Man, Jarmusch avait réussi un film fleuve, il délivre
ici un film flow. Au phrasé rare, ramené
à l’essentiel, une respiration qui a pour règle
le ralentissement et l’adresse. Son cinéma a peu d’équivalents dans le paysage actuel américain, indépendant compris. Jim Jarmusch voyage désormais en solitaire, en chien errant, en chien fantôme.