Le déchaînement général contre l’émission de TF1 Carré Viiip , accusée de tous les vices par ceux qui croient encore aux vertus de la téléréalité, creuse un paradoxe : la centralité de la télé au coeur de la culture populaire s’accommode plus ou moins de la contestation dont elle est l’objet. Ce paradoxe se double […]
Le déchaînement général contre l’émission de TF1 Carré Viiip , accusée de tous les vices par ceux qui croient encore aux vertus de la téléréalité, creuse un paradoxe : la centralité de la télé au coeur de la culture populaire s’accommode plus ou moins de la contestation dont elle est l’objet.
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Ce paradoxe se double aujourd’hui d’une énigme inédite : après avoir toujours été critiquée dans ses marges, la télé découvre ce moment étrange où sa critique se déploie en son centre même. Ne plus croire en rien, ironiser sur tout, recycler à l’infini le spectacle du vide, intensifier son existence par le filtre futile de la quête de célébrité… : la voie offerte au téléspectateur des années 2000 semble ne plus tenir sa promesse dans les années 2010.
La télé aurait-elle enfin un peu honte d’elle-même ? Aurait-elle pris conscience de sa toxicité supposée ? Le “contrôle des esprits” opéré par la “médiasphère”, décrite par Philippe Nassif dans son dernier essai La Lutte initiale – Quitter l’empire du nihilisme (Denoël), serait-il parvenu à son point limite ?
La séduction du centre, incarné par la télé, s’évapore dans un sentiment de “nausée qui gagne de plus en plus de gens à l’idée d’allumer leur poste”. Ne soyons pas trop naïfs non plus : le cynisme ne désertera pas de sitôt la machine télévisuelle, capable de refaçonner son pouvoir de séduction avec des armes dont elle a le secret (story). Elle accuse simplement le coup, signe de sa fragilité.
Si éteindre son poste, c’est entrer dans “la vie détox”, la sociologie de la culture nous rappelle aussi la capacité des publics à mettre à distance leur hypnose télévisuelle, souligne Philippe Coulangeon dans Les Métamorphoses de la distinction (Grasset). “L’attention oblique” et la “consommation nonchalante” forment des stratégies minimisées de téléspectateurs sur lesquelles glisse en partie le contrôle des esprits.
Jean-Marie Durand
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