Carole for ever. La reprise de ce film rare de John Cromwell est surtout l’occasion de revoir la bouleversante Carole Lombard. Voilà un film qui débute bien, se poursuit mal et finit bien. Second film de John Cromwell avec Carole Lombard, après Made for each other/Le Lien sacré (avec James Stewart), L’Autre commence comme une […]
Carole for ever. La reprise de ce film rare de John Cromwell est surtout l’occasion de revoir la bouleversante Carole Lombard.
Voilà un film qui débute bien, se poursuit mal et finit bien. Second film de John Cromwell avec Carole Lombard, après Made for each other/Le Lien sacré (avec James Stewart), L’Autre commence comme une comédie sophistiquée avant de tourner au mélodrame adultérin. Durant toute la première partie, on sent le film hésiter entre drame et légèreté. Comme les comédiens ont l’air mal à l’aise, et comme on a plus l’habitude de les voir dans un registre gai, on ne cesse d’espérer que Grant et Lombard vont enfin cesser de prendre des airs tragiques. D’autant qu’ils semblent mal à l’aise, comme s’ils avaient envie de rigoler des dialogues tragiques qu’ils doivent débiter. C’est surtout Carole Lombard qui a l’air de s’ennuyer, avec ses airs de petite fille qui joue à la mère meurtrie et responsable sans y croire vraiment. On sent qu’elle a envie d’aller plus vite que la musique. Puis L’Autre trouve son rythme mélancolique et Cromwell, cinéaste certes mineur mais trop méconnu, ne s’en sort pas si mal. Car le sujet profond de son film réside justement dans cette impossibilité du bonheur et de la gaieté, provoquée par la puissance des conventions sociales (incarnées par les terribles parents de Grant) et la peur panique devant la force du désir. Les deux amants ont envie de s’amuser ensemble, la société les en empêche et les précipite vers le mélo, à leurs corps défendants. Quand ils croient la partie gagnée et leur mariage possible, le film décolle, porté par la joie évidente de ses deux interprètes ; et quand l’espoir disparaît, à cause des sombres machinations d’une épouse (Kay Francis) qui refuse le divorce pour conserver l’argent, il se retrouve empreint d’un sentiment de perte et de défaite qui ne paraît plus ni forcé ni artificiel. Toute la dernière partie à New York est pleinement réussie, en particulier la séquence dans l’hôtel, avec l’irruption de l’affreux suborneur qui s’en prend à Carole. Là, on sent soudain le danger des amours clandestins, l’ambiance se fait poisseuse. Il faudra un coup de force scénaristique bien amené pour que le happy end soit possible, manière élégante de signifier que le « Now, it’s true » final contient sa part de doute. C’est une victoire incertaine.
Après ce joli petit film, Carole Lombard trouvera deux de ses plus grands rôles avec Hitchcock (Mr. and Mrs. Smith) et Lubitsch (To be or not to be), juste avant de mourir dans un accident d’avion le 16 janvier 1942.
Ni son Clark Gable de mari ni le cinéma ne se remettront jamais tout à fait de la perte de son front interminable, de ses airs sceptiques qui semblent toujours dire « Allons, ce n’est pas grave… », de ses boucles d’or et de cette manière unique de froncer les sourcils ou de se mordre les lèvres. Perte irréparable.
Frédéric Bonnaud
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