Une rétrospective qui permettra de revoir les classiques de John Woo, mais aussi de découvrir son passé moins connu. La carrière de John Woo, loin de débuter à la fin des années 80 avec les films qui forgèrent sa réputation de styliste outrancier et mélancolique de la violence, fut d’abord celle d’un artisan de la […]
Une rétrospective qui permettra de revoir les classiques de John Woo, mais aussi de découvrir son passé moins connu.
La carrière de John Woo, loin de débuter à la fin des années 80 avec les films qui forgèrent sa réputation de styliste outrancier et mélancolique de la violence, fut d’abord celle d’un artisan de la production commerciale de Hong Kong. Symptomatique de l’enthousiasme de la cinéphilie occidentale, ce cycle nous propose, aux côtés de films fameux et surabondamment commentés Le Syndicat du crime 1 et 2 (1986 et 1987), The Killer (1989)… , de nous faire découvrir les principaux films antérieurs de Woo, pour la plupart invisibles et inédits, même si ses nombreuses comédies ont été charitablement mises à l’index.
La Main de la mort (1976), second film de Woo, est un kung-fu de série B, dans la tradition des oeuvres de Chang Che, spécialiste sadique et torturé du cinéma d’arts martiaux des années 70, dont Woo est aujourd’hui le plus célèbre disciple. Dans le cadre rigide d’une production standardisée, Woo perpétue les incartades sanglantes et teintées d’homosexualité de son maître. Mais l’hommage à Chang Che est bien plus éclatant dans La Dernière chevalerie (1979), premier film réellement ambitieux et personnel de Woo qui ébauche ici les thèmes récurrents de son oeuvre future : les codes d’honneur obsolètes dans un monde sans loi, le dédoublement, l’amitié trahie… Si les zooms intempestifs, une utilisation du ralenti encore chaotique et le récit passablement embrouillé entachent la pleine réussite du film, La Dernière chevalerie passionnera les admirateurs de Woo et réjouira les néophytes grâce à de magnifiques combats qui confirment la fascination du cinéaste pour la violence en même temps que son souci de la déréaliser au moyen d’une esthétisation forcenée.
Les Larmes d’un héros (1983) mérite le détour pour des raisons hélas plus perverses. Film de guerre proche du niveau Z, c’est un monument de rigolade involontaire et sanguinolente (énucléations, geysers d’hémoglobine, acteurs à pisser de rire), malmené au montage à l’insu de Woo par des producteurs sans scrupules. Détail savoureux, le héros est accompagné dans sa mission par son fils de 5 ans, qui participe avec enthousiasme aux carnages organisés par son papa mercenaire ! Preuve supplémentaire de l’éclectisme de Woo, on pourra également voir un film-opéra cantonnais, Princesse Chang Ping (1976), Just heroes (1989), « film de charité » dont les bénéfices devaient assurer une retraite dorée à Chang Che, qui préféra reverser l’argent à des étudiants en cinéma, et Les Associés (1991), comédie de cambriolage partiellement tournée à Cannes et Paris.
Aucun de ces titres ne viendra bouleverser notre connaissance d’un cinéaste qui donna le meilleur de lui-même dans ses films les plus justement célèbres.