Suite à la décision de Jean-Louis Trintignant, qui a annoncé hier qu’il boycotterait le Festival d’Avignon si Bertrand Cantat y jouait, l’ex-leader de Noir Désir renonce à se produire dans la Cité des Papes. Le chanteur est sous le feu des critiques depuis qu’il a révélé qu’il ferait partie de la distribution d’une pièce de théâtre jouée à Avignon cet été et à Montréal en 2012.
Bertrand Cantat ne se produira pas au Festival d’Avignon. « Pour des raisons personnelles et par respect pour la douleur de la famille Trintignant, Bertrand Cantat a choisi de ne pas participer au Festival d’Avignon, explique Dorothée Duplan, attachée de presse du dramaturge Wajdi Mouawad. Cette décision ne remet pas en cause, pour l’instant, sa participation au spectacle à Montréal. »
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Selon le service de presse de la compagnie, Bertrand Cantat ignorait que Jean-Louis Trintignant devait être au même moment que lui à Avignon. Il ne l’aurait appris qu’hier, jeudi 7 avril, en même temps que la décision du comédien de ne pas participer, du coup, au célèbre festival de théâtre.
Le communiqué envoyé par l’agent du comédien est sans équivoque : « Refusant d’être programmé dans une manifestation où se produit également l’homme qui a tué sa fille, le comédien Jean-Louis Trintignant, qui devait jouer lors du prochain Festival d’Avignon le spectacle Trois Poètes Libertaires du XXe Siècle, a décidé d’annuler la représentation ».
Le boycott de Jean-Louis Trintignant fait écho à une annonce parue le 4 avril dernier dans la presse canadienne. Le dramaturge Wajdi Mouawad a révélé qu’il ferait appel à Bertrand Cantat pour La trilogie des femmes, une adaptation de l’oeuvre de Sophocle. La pièce doit être jouée au festival de théâtre d’Avignon en juillet prochain, et au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) à partir de mai 2012.
Un concert de protestations outre-Atlantique
La réaction indignée du comédien français rejoint le concert de protestations qui s’élève outre-Atlantique. On ne peut pas dire que l’idée de revoir Bertrand Cantat sur scène a fait bondir de joie les Québécois. Depuis quelques jours, les réactions vont du tiède « pourquoi pas ? » de principe au « pas question » outragé.
Le TNM soutient la réhabilitation de Cantat, condamné en 2004 pour l’homicide involontaire de sa compagne, l’actrice Marie Trintignant. Une position partagée par certains partis de gauche et la frange libérale de la population québécoise. « Ce n’est pas parce qu’on réhabilite, individuellement ou collectivement, Cantat l’artiste qu’on donne l’absolution à Cantat le meurtrier » souligne Elisabeth Fleury, chroniqueuse au Soleil de Québec. De même, Lysiane Gagnon, écrit dans La Presse de Montréal :
« L’une des principales [valeurs québécoises] était – croyions-nous – la préférence des Québécois pour les politiques axées sur la réhabilitation plutôt que sur la répression. On ne dirait pas que c’est encore le cas. (…) Cantat a purgé sa peine. Il a vu son nom, sa carrière et sa vie détruits. (…) Pourquoi refuser le pardon à un homme qui a largement payé sa dette envers la société ? »
La venue de Cantat « banaliserait » les violences conjugales
Il se trouve que la pièce dans laquelle doit jouer Cantat parle de femmes ET de violences. La pilule est un peu difficile à avaler. La présidente du Conseil du statut de la femme, Christiane Pelchat, martèle ainsi que le passage du chanteur de Noir Désir « banalisera la violence faite aux femmes ».
Récemment, les conservateurs se sont emparés de la polémique pour raviver les débats sur l’immigration. Le chef de l’Action démocratique du Québec (ADQ) Gérard Deltell a tenté en vain de faire adopter une motion pour exiger qu’Ottawa refuse à Bertrand Cantat le droit d’entrer au Canada.
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Le Parti conservateur au pouvoir Canada a, quant à lui, officiellement déclaré que s’il était réélu en mai 2011, il s’opposerait à l’entrée de Bertrand Cantat sur le territoire canadien.
Reste que le premier obstacle se situe au niveau des services de l’Immigration. La loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés (art. 36) interdit de territoire canadien toute personne reconnue coupable, à l’étranger, d’un crime punissable au Canada « d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans ».
Une exception peut être faite dans le cas d’une demande de permis de séjour temporaire. Mais pour être recevable, elle doit relever de « circonstances exceptionnelles », voire humanitaires. Pour beaucoup de Canadiens, en faire bénéficier Bertrand Cantat relèverait du favoritisme.
Pauline Turuban
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