Avec ce documentaire de deux heures et quart, Thierry Michel a voulu s’approcher au plus près de l’homme Mobutu, mettant en parallèle les images officielles du mythe et les propos de ceux qui furent ses plus proches collaborateurs ou témoins de l’époque. Fasciné par Machiavel, dictateur mi-dieu mi-léopard, dont la silhouette à la télévision apparaissait […]
Avec ce documentaire de deux heures et quart, Thierry Michel a voulu s’approcher au plus près de l’homme Mobutu, mettant en parallèle les images officielles du mythe et les propos de ceux qui furent ses plus proches collaborateurs ou témoins de l’époque. Fasciné par Machiavel, dictateur mi-dieu mi-léopard, dont la silhouette à la télévision apparaissait lentement de derrière les nuées, qui aimait se faire appeler Papa Mobutu et rebaptisa son pays, sa monnaie et son fleuve du nom exclusif de Zaïre, il concentra tous les pouvoirs pendant un quart de siècle, soutenu par la Belgique, les Etats-Unis et la France. Mobutu assura sa pérennité grâce à une répression criminelle, et joua sur tous les tableaux avec une mauvaise foi et un opportunisme constants, renvoyant à la figure des anciens colonisateurs leurs propres travers (la corruption est une invention occidentale), tout en s’assurant leur soutien indéfectible pour mater les mouvements rebelles au sein de l’armée et de la population. Ce jeune homme, qui connut les humiliations de l’armée coloniale, eut le rare privilège de faire un stage de journaliste durant l’Exposition universelle de Bruxelles de 1958. Sa soif de pouvoir n’aura dès lors plus de limites. C’est par la trahison que Mobutu franchit la grande porte de l’Histoire. Alors qu’il fait partie du premier gouvernement après l’indépendance du Congo le 30 juin 1960, avec Patrice Lumumba (leader nationaliste et véritable héros du peuple dont il fut le disciple), Mobutu l’emprisonnera lors de son premier coup d’Etat le 14 septembre 1960 et le fera assassiner avec l’aide de la CIA l’année suivante. D’un cynisme sans bornes, il le réhabilitera officiellement cinq ans plus tard en tant que premier martyr de l’indépendance. Le film contient de nombreuses archives inédites, dont les « archives présidentielles » conservées à Kinshasa, des chutes d’actualités non utilisées par les télévisions africaines, européennes et américaines, ainsi que les témoignages du chef de l’information de Mobutu qui était chargé de sa propagande, et du chef de la CIA de l’époque. Ce portrait de roi de tragédie, metteur en scène de cette mascarade sanglante du pouvoir qui laissa le pays exsangue et dans la guerre civile, fascine. Regarder l’exercice d’un pouvoir à distance, tenter d’en comprendre les rouages intimes, demeure un spectacle captivant.
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