Drôle d’oiseau du Kerala… Marana Simhasanam est un premier film à deux faces. L’une politique, aride, l’autre totalement farfelue, ubuesque, une petite carte postale exténuée envoyée depuis un territoire archaïque, où les durées sont rythmées par les gestes du travail agricole. Ou par l’écoute religieuse d’un poste de radio abreuvant les pêcheurs de cette petite […]
Drôle d’oiseau du Kerala… Marana Simhasanam est un premier film à deux faces. L’une politique, aride, l’autre totalement farfelue, ubuesque, une petite carte postale exténuée envoyée depuis un territoire archaïque, où les durées sont rythmées par les gestes du travail agricole. Ou par l’écoute religieuse d’un poste de radio abreuvant les pêcheurs de cette petite île de tubes dérisoires et, parfois, d’informations politiques sur les tensions entre l’Otan et la Serbie. Des échos lointains du monde comme il va qui perdent ici toute résonance, dans cette province larguée de tout, isolée des journées entières dans les flaques.
On est en pleine « contemporanéité des mondes », vieux concept rossellinien découvert précisément en Inde, au contact de ce flirt perpétuel qu’entretiennent une vie immuablement sourde à toute évolution et une modernité pourtant voisine mais impalpable. Langueur du temps, concentration des plans, dépouillement des sons, resserrement des espaces composent un cinéma essentiel mais un peu guindé, en mal de blessures, malgré çà et là quelques piques politiques (nous sommes en territoire marxiste), qui laissent entrevoir une certaine envie de briser la glace, de troubler le calme trop placide du lac.
Bref, le temps passe (lentement) et on a un peu tous envie de faire des ricochets, le jeune réalisateur Murali Nair le premier, qui décide tout à coup de brusquer le cours de son premier film pour livrer une deuxième partie incroyablement bouffonne, proche du documentaire vieux d’une décade que Werner Herzog avait tourné sur l’empereur Bokassa. Qu’est-ce qui peut tout à coup changer un cinéaste ? L’arrivée (en barque !) dans son film d’une chaise électrique importée d’Amérique et présentée comme cette modernité qui va vous rendre la mort plus douce.
Un mauvais cinéaste en aurait rajouté dans le pamphlet. Pas Murali Nair. Il s’amuse de la démesure de cette chaise mortifère qui va fabriquer des martyrs en un coup de zapette et profite du décalage de la situation. C’est souvent drôle, assez méchant et parfois très beau dans cette manière d’aller de l’avant dans un univers complètement décalé, où tout va violemment de travers.
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