François Ozon semble être le jeune cinéaste français qui monte qui monte, mais en ce qui nous concerne, il nous laisse assez circonspects pour rester polis. Avec son nouveau film, il mélange deux univers largement connus et codifiés : celui, très ancien, des contes d’enfants et celui, plus moderne mais également déjà ancien, du […]
François Ozon semble être le jeune cinéaste français qui monte qui monte, mais en ce qui nous concerne, il nous laisse assez circonspects pour rester polis. Avec son nouveau film, il mélange deux univers largement connus et codifiés : celui, très ancien, des contes d’enfants et celui, plus moderne mais également déjà ancien, du cinéma de couples criminels. Dès le titre (qui est celui d’un genre en soi), Ozon annonce explicitement la couleur. Et ce titre-programme est symptomatique de son cinéma et du peu de goût que nous lui portons. Ozon semble avoir pris son nom au pied de la lettre lacanienne et décidé coûte que coûte d’oser être le cinéaste de la transgression, de porter cette audace en bandoulière comme une pancarte. Résultat, son cinéma ne transgresse rien du tout, trop tributaire qu’il est de ses intentions, trop ancré dans ses certitudes, trop empâté par ses surcharges signifiantes et symboliques. Les Amants criminels raconte l’histoire d’un couple de lycéens qui se ressemblent comme frère et soeur (les blonds et belges Natacha Régnier et Jérémie Renier, moins excellents ici que chez Zonca et les Dardenne), tuent l’Autre (le tiers arabe, fantasme de sexualité bestiale), s’enfuient cacher le cadavre en forêt où ils tombent sur un homme des bois, ogre sadien qui les victimise à leur tour en les initiant à une sexualité plus adulte et diversifiée. Pourtant, aucun mystère, aucun trouble, aucune sensualité dans ce film qui se résume à un catalogue appliqué de références trop visibles (Les Amants de la nuit, La Nuit du chasseur, Perrault, Grimm, Freud, Camus, Bettelheim…), à un défilé de scènes à faire et de symboles balourds (le couteau/sexe, le lapin des contes retourné et dépecé par l’ogre, le cannibalisme surexpliqué…). Le cinéma d’Ozon donne le sentiment d’être déjà vu avant d’être vu : tout y est figé et contrôlé, tout y est donné à voir par le dialogue ou par le cadre, l’implicite y est explicite. C’est un cinéma qui manque cruellement de béance, de hors-champ (donc d’érotisme), de fissure permettant au spectateur de vagabonder entre les images. Dans la famille des contes retravaillés, on opposera à ce film/formol le vivant et frémissant Sombre de Philippe Grandrieux où le cinéma, régénéré, palpitait. Dans Les Amants criminels, le cadavre n’est pas celui d’un jeune Arabe mais bien celui du cinéma.
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