Une métaphore méchante et fascinante de la société par un cinéaste méconnu et talentueux, à (re)découvrir. Méconnu, l’Anglais Mike Hodges est un cinéaste discret mais talentueux. On rencontre dans les titres les plus remarquables de sa filmographie Get Carter (71) avec Michael Caine, The Terminal man (72), Black rainbow (90) de réelles trouvailles […]
Une métaphore méchante et fascinante de la société par un cinéaste méconnu et talentueux, à (re)découvrir.
Méconnu, l’Anglais Mike Hodges est un cinéaste discret mais talentueux. On rencontre dans les titres les plus remarquables de sa filmographie Get Carter (71) avec Michael Caine, The Terminal man (72), Black rainbow (90) de réelles trouvailles dans l’étude psychologique et le fantastique clinique, accompagnées par un goût prononcé pour la glaciation émotionnelle. Croupier fait indiscutablement partie des projets personnels et satisfaisants de Hodges. Vingt-huit ans après Get Carter, sur la loi du milieu britannique, Hodges explore l’univers d’un casino ordinaire (dans un Londres fantomatique) tout aussi clos et régi par des règles encore plus draconiennes. Un romancier cynique, sans sujet et sans argent, se fait engager comme croupier et ne tarde pas à impressionner clients, direction et collègues par sa rapidité d’exécution, son adresse, son froid professionnalisme et son aversion pour les tricheurs. Son nouveau métier bouleverse sa vie et lui apporte des satisfactions (financières, sexuelles et surtout existentielles) trop intenses pour être honnêtes, tout en menaçant son couple il vit avec une ex-flic maintenant surveillante dans un grand magasin : un métier-programme qui souligne de façon un peu redondante la vision de Hodges de la société, envisagée comme un panier de crabes où les moins rapides et les maladroits se font prendre au piège. Le casino se transforme en métaphore de la machine égalitaire, où la chance et le hasard remplacent le couperet de la guillotine. Enivré par le pur fonctionnalisme de ses gestes, le croupier se fond dans l’anonymat et devient à la fois le scrutateur impitoyable de lui-même et des joueurs, prisonniers consentants qui évoluent comme des insectes entre les murs de miroirs de la salle de jeu étriquée, décor claustrophobe qui évoque un aquarium, et décide d’écrire un roman sur le monde des casinos.
Le film de Hodges est dérangeant, inconfortable. Parfait dans le registre de l’étude comportementale (l’impressionnante captation des gestes du croupier et des attitudes des joueurs fait de ce film une des plus fines analyses de la fièvre du jeu à l’écran), Croupier n’est pourtant pas une oeuvre aimable sans réserves. Le versant polar du film est moins convaincant, comme si Hodges avait volontairement bâclé une intrigue policière abracadabrante. La scène du hold-up, presque aussi foireuse que le casse lui-même, est tellement elliptique qu’elle en devient presque burlesque, et laisse deviner que Hodges a privilégié dans son film la part de documentaire reconstitué sur un métier cinématographiquement exploité dans ses moindres recoins. Le scénario de Paul Mayersberg, souvent associé au pompiérisme tarabiscoté de Nicholas Roeg, engraisse par des dialogues trop signifiants (notamment la voix off) et quelques arabesques narratives superflues (voir la fin imprévisible) la sécheresse naturelle de Hodges, qui réussit avec Croupier une oeuvre méchante et intelligente, souvent fascinante.
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