Classicisme rétro pour cette oeuvre corsetée dont la folie interne n’éclate jamais. Au-delà de sa reconstitution soignée de la vie à Saint-Pétersbourg au début du siècle, ce film subversif aux airs cossus décrit une curieuse chaîne humaine, aussi efficace qu’aberrante, un système sado-marxien où des domestiques et des voyous pervers exercent une domination de plus […]
Classicisme rétro pour cette oeuvre corsetée dont la folie interne n’éclate jamais. Au-delà de sa reconstitution soignée de la vie à Saint-Pétersbourg au début du siècle, ce film subversif aux airs cossus décrit une curieuse chaîne humaine, aussi efficace qu’aberrante, un système sado-marxien où des domestiques et des voyous pervers exercent une domination de plus en plus absolue sur deux familles bourgeoises. Métaphore sarcastique de la prise du pouvoir par les bolcheviques ou bien de la ploutocratie mafieuse dans la Russie actuelle ? Possible. Toujours est-il que ce film, qui ressemble un peu à du Guerman sous valium, tranche avec le reste du cinéma russe par sa quasi-absence de psychologie. Cela produit un contraste d’autant plus grand avec les situations et les personnages : un gangster et son sbire qui vendent des photos de femmes fouettées ; une belle aveugle ; des siamois à la voix d’or ; une érotomane maso. Peu à peu tout ce monde se mélange, se détruit calmement, plonge impassiblement dans l’anarchie. Parfois anecdotique (l’invention du cinématographe), parfois esthétisant, mais à bon escient, ce film qui distille une inquiétante étrangeté a une certaine grâce.