Entre contreculture et mainstream, l’Américain Richard Prince fait événement à la BNF en déclinant avec délectation sa passion des livres, coeur vivant de son travail.
Le marché de l’art est trompeur : si les oeuvres de l’Américain Richard Prince atteignent aujourd’hui des sommes record (4,7 millions de dollars pour une Nurse Painting), si son nom se trouve du coup souvent accolé à ceux de Damien Hirst ou de Takushi Murakami, tout le distingue en vérité des autres stars du marché, lui qui poursuit une oeuvre trempée depuis toujours dans la contre-culture américaine des années 60-70.
On y retrouve toute la faune de l’underground US : poètes beatnik, culture hippie, motards Hells Angels on the road, musique punk-rock, jusqu’aux figures dépassées de cow-boys qu’il extrait des archétypales photographies Marlboro.
En ouvrant ses portes à Richard Prince, la Bibliothèque nationale de France nous plonge au coeur de son univers et accueille un bibliophile invétéré, qui possède la plus importante collection de littérature américaine après la New York Library (!), depuis des manuscrits originaux de William Burroughs, de Jack Kerouac ou d’Allen Ginsberg jusqu’à la culture la plus populaire, avec une tonne de pulp fictions, de comics, de magazines porno, de romans de science-fiction ou à l’eau de rose.
Invité à Paris, il revisite de fond en comble notre Bibliothèque nationale et ressort des tiroirs de vieux romans-photos érotiques et autres livres paralittéraires qui n’ont jamais été demandés par les savants lecteurs de la BNF. C’est dire si le livre n’est pas un à-côté du travail de Prince, mais son coeur vivant. Et la bibliothèque, son atelier.
Au début des années 80, soit vingt ans avant que tout le monde ne se mette à internet et sur la palette graphique, Richard Prince inaugure une culture de l’échantillon : il prélève des images dans les magazines, les publicités, les couvertures de livres et se les approprie librement. Il les déplace, les détourne, les repeint, les retouche, dans une suite incessante de croisements entre haute et contre-culture. Entre mainstream et underground. Un art du cross-over.
Jean-Max Colard
Richard Prince – American Prayer du 29 mars au 26 juin à la BNF, Paris XIIIe, www.bnf.fr. L’artiste expose également à partir du 30 mars une série de toiles inspirées par Kooning à la galerie Gagosian, Paris VIIIe.
www.gagosian.com